Reconstitutions - Mot-clé - XVe
Démarche de reconstitition. Costume, broderie et parfois cuisine historiques
2024-02-02T14:55:05+00:00
Hémiole
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Dotclear
Broderie Judith
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2024-01-22T11:01:00+00:00
2024-01-22T14:32:46+00:00
Hémiole
Broderie
broderie
couchure
couchure burden
couchure byzantine
couchure d Orient
couchure sur cordonnet
Judith et Holopherne
opus anglicanum
orfrois
XVe
<p>En 2023, j'ai terminé cette<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2022/01/07/Broderie-d-un-orfrois-de-la-fin-du-moyen-%C3%A2ge"> broderie d'or</a> inspirée par les orfrois de la fin du moyen-âge et représentant Judith et sa servante devant la tente d'Holopherne.</p>
<p>Avant de vous proposer encore quelques articles plus approfondis sur la broderie, voici quelques photos et détails. (Vous pouvez cliquer sur les photos pour les afficher en grand format).</p>
<p><a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/judith-02.JPG"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/.judith-02_m.jpg" alt="Médaillon brodé dans le style médiéval à l'or et aux fils colorés. La broderie représente Judith et sa servante qui mettent la tête décapitée d'un homme dans un sac. Judith se tient debout, elle tient la tête dans une main par les cheveux et une grosse épée dans l'autre main. Sa servante est agenouillée à ses côté, et lui tend le sac. Les deux femmes se tiennent devant une tente blanche et décorée d'or. De part et d'autre de la tente, des arbres." style="display:table; margin:0 auto;" /></a></p> <p>C'est une broderie sur toile de lin artisanale de 28 fils/cm. La broderie mesure 16cm de diamètre (1.5cm pour la tête de Judith).</p>
<p><a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/detail-02.JPG"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/.detail-02_m.jpg" alt="Détail de la broderie du personnage de Judith. Elle est brodée au fil de soie coloré. Sa robe est brodée au fil d'or recouvert de différentes nuances de fils bleus. Elle porte des bijoux brodés au fil d'or. Son regard est dirigé vers le bas, vers sa servante." style="display:table; margin:0 auto;" /></a>
La robe de dessus de Judith est brodée avec la <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2023/01/05/Or-nu%C3%A9">technique de l'or nué</a>.</p>
<p><a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/detail-03.JPG"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/.detail-03_m.jpg" alt="Détail de la broderie de la servante brodée aux fils de soie colorée. Elle regarde vers Judith. Elle porte une robe bleu. Elle tend un sac en toile beige. On voit également la tête d'Holopherne, brune avec une barbe et quelques gouttes de sang qui s'écoulent de son cou" style="display:table; margin:0 auto;" /></a></p>
<p>J'ai utilisé 26 teintes de fils de soie de différentes origines (quelques fils provenant de stock ancien, soie ovale AVAS et du 1440 denier DeVere Yarns). Ainsi que 30m de <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2023/01/05/Fils-d-or-%3A-quelques-explications">fil d'or</a>, de 2 épaisseurs différentes.</p>
<p><a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/detail-04.JPG"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/.detail-04_m.jpg" alt="Gros plan sur l'épée que tient Judith. Elle est verticale et pose sur le sol devant ses pieds. C'est une épée très imposante brodée au fil d'or et au fil vert, ce qui lui donne un aspect bronze un peu antique. La broderie présente des reliefs au fil d'or pour lui donner un aspect encore plus riche et imposant." style="display:table; margin:0 auto;" /></a></p>
<p>La broderie est réalisée grâce à une dizaine de points de broderie avec quelques variantes dont beaucoup de <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/06/16/Les-points-de-couchure">points de couchures</a>
<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/detail-15.JPG"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/.detail-15_m.jpg" alt="Détail de la broderie prise en biais pour mieux apercevoir les volumes et les reliefs. On voit un des arbre dont le feuillage est en volume mais on voit aussi que le tronc est rebrodé par dessus le fond de la broderie." style="display:table; margin:0 auto;" /></a></p>
<p>Il y a plusieurs techniques différentes utilisées pour créer du relief sur la broderie.
<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/detail-16.JPG"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/.detail-16_m.jpg" alt="Autre photo en biais pour voir les volumes. Cette fois le haut de la tente. On voit que le fond de la tente est brodé avec un treillis d'or, la décoration dorée de la tente est également brodée en reliefs." style="display:table; margin:0 auto;" /></a></p>
<p>Lors d'un live, nous avons baptisé un point de broderie dont je n'ai pas trouvé de trace en français : <q><em><strong>point de turricule</strong></em></q> d'après son aspect qui rappelle les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Turricule" hreflang="fr" title="Turricule sur wikipedia"><em>cacas</em> de vers de terre</a>.
<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/detail-06.JPG"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/.detail-06_m.jpg" alt="Détail de la broderie du feuillage d'un arbre. C'est un point de broderie qui crée un volume un peu chaotique avec des fils entortillés sur eux-mêmes." style="display:table; margin:0 auto;" /></a></p>
<p>J'ai brodé en partie ce médaillon sur <a href="https://www.twitch.tv/hemiolelc" hreflang="fr" title="chaine twitch hémiole">twitch</a> et j'ai passé 80 heures en live sur cette broderie avec vous, merci d'être là !</p>
<p>En fin d'année, j'ai fait encadrer broderie pour pouvoir l'exposer et la préserver.
<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/cadre-02.JPG"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/.cadre-02_m.jpg" alt="La broderie encadrée dans un cadre doré légèrement vieilli" style="display:table; margin:0 auto;" /></a></p>
<p>Voici enfin les articles à venir à propos de cette broderie : <em>les représentations de Judith</em>, <em>les points de broderie utilisés</em>, <em>pourquoi avoir brodé le décors et les personnages séparément</em>, <em>les techniques médiévales de broderie en relief</em>.</p>
<p>Vous voulez apprendre ou approfondir les techniques de broderie d'or que j'ai utilisées dans ce projet ? Vous pouvez broder mes kits <a href="https://www.hemiole.com/Boutique/fr/explorer-le-moyen-age-a-dos-de-dragons/27-7-le-dragon-sur-la-colline.html#/38-pack_broderie-kit_seul" hreflang="fr" title="Le dragon sur la colline - Kit de broderie médiévale">Le dragon sur la colline</a> et <a href="https://www.hemiole.com/Boutique/fr/accueil/83-73-le-gardien.html#/38-pack_broderie-kit_seul" hreflang="fr" title="Le Gardien - Kit de broderie médiévale">Le Gardien</a> qui vous permettront de les découvrir avec un projet à broder au fil de laine.</p>
<h3><a href="https://ko-fi.com/hemiole" hreflang="fr" title="Soutenir Hémiole sur ko-fi">Vous pouvez soutenir le blog en faisant un don sur ko-fi.</a></h3>
Or nué
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2023-03-10T17:50:00+00:00
2023-06-01T10:17:10+01:00
Hémiole
Techniques
bourse
broderie
couchure
couchure d Orient
Judith et Holopherne
orfrois
peinture à l aiguille
point de bayeux
point de boulogne
Saint-Aubin
soie
XIIIe
XVe
XVIIIe
<blockquote><p>Elle suivait ce dessin, cousait les fils d'or de points de soie en travers, qu'elle assortissait aux nuances du modèle. Dans les parties d'ombre, la soie cachait complètement l'or; dans les demi-teintes, les points s'espaçaient de plus en plus; et les lumières étaient faites de l'or seul, laissé à découvert. C'était l'or nué, le fond d'or que l'aiguille nuançait de soie, un tableau aux couleurs fondues, comme chauffées dessous par une gloire, d'un éclat mystique.<br /></p></blockquote>
<p>Émile Zola, Le Rêve.</p>
<p>Une des technique de broderie au fil d'or utilisée dans la broderie de Judith est la technique de l<em>'or nué</em>. Je vous propose un zoom sur cette technique spectaculaire.</p> <p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/.Judith-01_m.jpg" alt="Broderie des 2 personnages : Judith et sa servante. Les 2 personnages sont brodés au fils de soie colorés. La robe de dessus de Judith est brodé à l'or nué, c'est à dire avec de l'or partiellement recouvert de soie colorée." style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Détail de la broderie de Judith et sa servante. J'ai choisi de broder uniquement la robe de dessus de Judith à l'or nué.</em></p>
<h3>Définition</h3>
<p>Le principe de l'or nué est de recouvrir entièrement le tissu de<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2023/01/05/Fils-d-or-%3A-quelques-explications"> fils d'or</a> en rangées parallèles et resserées et de broder au fur et à mesure avec des fils colorés des petits<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/06/16/Les-points-de-couchure"> points de couchure</a> sur l'or pour rapporter le dessin.</p>
<p>Le terme <em><strong>nué</strong></em> a la même racine que <em>nuancer</em> et signifie <q>assortir les couleurs en nuances dégradées</q>. Pour broder à l'or nué on va donc utiliser du fil d'or mais aussi plusieurs fils de couchures, traditionnellement en soie.</p>
<p>Cette technique, poussée à l'extrême se rapproche d'une forme de peinture à l'aiguille, avec des dégradés très subtils où l'or va apparaître de manière plus ou moins intense. Dans <a href="https://letempsdebroder.com/articles/broderie-pays-bas/" hreflang="fr" title="Le Temps de broder">cet exemple très spectaculaire</a>, à part le fond brodé en couchures à bâtons rompus, toute la scène est brodée à l'or nué. Les fils d'or sont couchés d'un bout à l'autre de la broderie et c'est les fils de soies colorés utilisés pour la couchure qui vont créer le motif.
<img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/or-nue/.annonciation-01_m.jpg" alt="Broderie médiévale réalisée au fil d'or partiellement recouvert de soie colorées. Dans un intérieur domestique, la Vierge Marie s'agenouille devant un prie-Dieu sur lequel repose son livre de prières. L'archange Gabriel, à gauche, la salue avec l'annonce évangélique de la naissance prochaine de Jésus." style="display:table; margin:0 auto;" />
<em><a href="https://www.metmuseum.org/art/collection/search/466182" hreflang="en" title="MET">Broderie de l'Annonciation. Flandres, milieu du 15e siècle, MET.</a></em></p>
<h3>Technique</h3>
<p>L'or nué se travaille comme une grande partie de la broderie d'or : en remplissage au point de couchure. Mais au lieu d'utiliser un seul fil de soie pour la couchure, on va utiliser autant de fils que de couleurs et de nuances nécessaires. Le fil d'or n'est dont pas visible sur l'envers. Comme on peut le voir sur le détail de la couverture du lit de cette broderie de la fin du moyen-âge :
<img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/or-nue/lit-endroit.jpg" alt="Détail de broderie de femme devant un lit. Sur le lit une couverture verte brodée au fil d'or recouvert de soie verte" style="display:table; margin:0 auto;" /><br /><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/or-nue/lit-envers.jpg" alt="Envers de la même broderie. On distingue la couverture verte mais aucun fil d'or." style="display:table; margin:0 auto;" />
<em><a href="https://www.metmuseum.org/art/collection/search/229073" hreflang="en" title="MET">La naissance de Saint Jean-Baptiste, Design attribué à Benozzo Gozzoli (Benozzo di Lese di Sandro), Italie, 1460–1480, MET</a></em></p>
<p>Le résultat de la broderie à l'or nué ne dépend pas uniquement de la quantité de couleur et de nuances de fils de soie utilisés pour la couchure.</p>
<p>En effet, l'écartement entre les points de couchure va donner toute sa subtilité à la broderie à l'or nué. Dans les zones les plus sombres, les points seront serrés au point de cacher complètement le fil d'or et en espaçant un peu les points, on fera apparaître le fil d'or parfois de manière à peine perceptible selon l'éclairage, et l'or viendra illuminer la couleur par en dessous. Enfin dans les zones très lumineuses, le fil d'or peut être laissé sans fils colorés.</p>
<p>Ce procédé est particulièrement impressionnant dans les broderies de drapés, comme on peut le voir sur la manche de l'officiant sur cette scène de l'enfance de Jésus :
<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/orfrois-sources/circoncision-02.JPG"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/orfrois-sources/.circoncision-02_m.jpg" alt="Détail d'une broderie médiévale entièrement réalisé au fil d'or. Un homme se tient debout, un couteau à la main pour la circoncision de Jésus." style="display:table; margin:0 auto;" /></a>
<em>Circoncision de Jésus, détail d'une croix de chasuble, Amsterdam, 1490, Musée des tissus de Lyon.</em></p>
<p>Pour broder à l'or nué, on travaille en lignes de couchure d'or parallèles et rapprochées en brodant au fur et à mesure chaque couleur sur le fil d'or en suivant le dessin tracé sur le tissu. Lorsque le fil d'or n'est pas recouvert par des fils colorés, il est parfois nécessaire de le fixer par des points de couchure espacés avec un fil jaune de la même teinte.
<img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/or-nue/crane.gif" alt="GIF animé de la broderie d'un crane sur fil d'or. On voit la broderie qui avance ligne de fil d'or par ligne de fil d'or avec le dessin en noir par dessus." style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Quelques lignes de broderie d'or nué sur ce crane monochrome. Broderie : Hémiole et le chas. Dans les zones où il n'y a pas de fil noir, l'or est couché au fil de soie jaune selon un motif traditionnel de brique.</em></p>
<h3>Histoire</h3>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/or-nue/.P1160401_m.jpg" alt="Bourse brodée représentant la Nativité." style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Bourse de corporal, aire germanique 13e siècle, Musée de Cluny.</em></p>
<p>La plus ancienne trace d'or nué en occident est parfois attribuée à cette broderie, sur la couverture de Marie.</p>
<p>En observant bien, on peut être surpris de l'identification en or nué pour cette broderie. En effet, on a un simple motif géométrique qui se répète, une seule couleur et aucune nuance ni dégradé. Pour autant, à la différence du remplissage au point de Boulogne <em>classique</em>, ici, la majeure partie de la zone est recouverte de soie colorée et l'or ne parait que dans certaines zones, ce qui rappelle fortement l'or nué qui vient <em>éclairer les couleurs</em>.
<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/or-nue/P1160403.JPG"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/or-nue/.P1160403_m.jpg" alt="Détail de la couverture de la bourse précédente" style="display:table; margin:0 auto;" /></a>
<em>Bourse de corporal, détail, aire germanique 13e siècle, Musée de Cluny.</em></p>
<p>Or nué ou non, je ne suis pas certaine qu'on puisse trancher de manière définitive. Suite à une discussion avec <a href="https://www.jessicagrimm.com/" hreflang="en" title="Jessica Grimm">Jessica Grimm</a>, je proposais le terme de <em>proto or nué</em> et elle celui de <em>pseudo or nué</em> (pour signifier que cette technique a pu perdurer après l'apparition de l'or nué tel que nous le connaissons).</p>
<p>Il est effectivement difficile de déterminer où démarre l'or nué quand une couchure géométrique monochrome représente le motif qu'on veut broder, comme pour le dallage de cette broderie du milieu du 15e siècle :
<img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/or-nue/.P1160591_m.jpg" alt="Détail d'une broderie. Le sol est brodé au fil d'or avec une couchure rouge en forme de losanges." style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Détail, Panneaux brodés, Florence, milieu du 15e siècle.</em><br />
<em>Ici, je ne qualifierai pas la technique d'or nué, pourtant on se situe encore entre la couchure géométrique et la couverture de la Vierge ci-dessus.</em></p>
<p>Est-ce que la ligne ne se situerait pas au rôle que tient le fil d'or dans la lecture du motif ? Si la couchure est un remplissage doré, comme le serait une pose de feuille d'or sur un fond, on parlera de couchure. Mais si le fil d'or apporte les touches de lumière aux fils colorés, on pourrait alors le considérer comme de l'or nué ou du <em>proto or nué</em> ? (c'est une proposition)</p>
<h3>Usages</h3>
<p>On retrouve l'or nué en petites touches dans des zones bien particulières de la broderies, zones à mettre en valeurs, et associée à d'autres techniques de broderie d'or.</p>
<p>Sur beaucoup d'orfrois représentants des saints ou des saintes, il est limité aux vêtements de dessus, comme les capes. C'est le choix que j'ai fait pour la broderie de Judith. En effet, le fil d'or dans les broderies aux techniques mixtes, est utilisé pour mettre en valeur et accentuer certaines zones, pour orienter le regard, de la même manière que l'or est utilisé dans la peinture ou l'enluminure.</p>
<p>Sur cette broderie de Sainte Catherine, le fil d'or est présent par touches (notamment sur ses attributs et son auréole, éléments importants de son identification) mais en ce qui concerne sa tenue, seul son manteau est brodé à l'or nué.
<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/or-nue/P1160535.JPG"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/or-nue/.P1160535_m.jpg" alt="Broderie médiévale. Une sainte brodée en or et soie." style="display:table; margin:0 auto;" /></a>
<em>Orfrois, Sainte Catherine, Utrecht, 1504</em>.</p>
<p>Au cours du 15e siècle, l'or nué prend une place plus importante dans certaines broderies. Le travail sur les nuances et les dégradés devient de plus en plus fin, et des broderies très impressionnantes dont essentiellement brodée à l'or nué comme sur ce détail du <em>manteau de la Vierge</em>, un des vêtements de la toison d'or. La scène est entièrement brodée à l'or nué rehaussé de rangs de perles.
<img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/or-nue/.KK_21_5451_m.jpg" alt="Détail de broderie. La vierge vêtue d'un manteau bleu assise sur un blanc entouré de colonnades et de rideaux." style="display:table; margin:0 auto;" />
<em><a href="https://www.khm.at/de/object/86220/" hreflang="de" title="Manteau de la toison d'or">Détail du manteau de la vierge, Flandres, 1425/1440.</a></em></p>
<p>L'or nué est une technique impressionnante mais très couteuse et qui prend beaucoup de temps à broder.</p>
<p>Au 18e siècle, dans son<a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1065586m" hreflang="fr" title="BNF, gallica"> Art du Brodeur, Saint-Aubin</a> décrit la technique de l'or nué mais précise en fin de section qu'il est de moins en moins employé et remplacé par <q>l'or nué batard</q>. Cette technique consiste à recouvrir le tissu des nuances de soie puis de coucher le fil d'or par dessus à intervalles réguliers mais espacés, en utilisant les nuances de soie correspondantes au fond.</p>
<p>Sur la broderie des ailes de cet ange datant de la fin du moyen-âge, on devine l'utilisation d'une technique qui pourrait correspondre à ce que Saint-Aubin décrit quelques siècles plus tard.
<img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/orfrois-sources/.ange-01_m.jpg" alt="Détail d'une broderie un ange avec les ailes déployées." style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Fragment de croix de chasuble, pays germaniques, fin 15e siècle.</em></p>
<p>Cette technique ressemble pourrait s'apparenter à une forme de <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/Point-de-bayeux">point de Bayeux ou point d'orient</a> où le fond est brodé en soie nuancées et les barrettes perpendiculaires, au fil d'or. Dans ce même traité, Saint-Aubin décrit d'ailleurs, un point similaire au <em>point de Bayeux</em> ou <em>point d'orient</em> pour broder plus rapidement <em>en nuances</em>, c'est à dire en <em>peinture à l'aiguille</em><sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2023/01/05/Or-nu%C3%A9#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup>. Le point de Bayeux ou point d'orient est effectivement une technique assez rapide pour recouvrir de grande surface de tissu.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/.damier-01_m.jpg" alt="Détail de la broderie de Jutdith : le sol de la tente avec un damier coloré sur lequel sont couchés des fils d'or." style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Sur la broderie de Judith, le sol de la tente, en damier, pourrait s'apparenter également à ce type de point de broderie.</em></p>
<h3>Variations</h3>
<p>Il existe des variations autour de l'or nué. Notamment lorsque le fil d'or n'est pas couché en lignes droites, on parle plus volontiers de point d'ombre italien. Ceci concerne les broderies réalisées en cercle (ou en spirales) ou d'autres broderies où la couchure va suivre les mouvements du motif.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/.badge-poisson-02_m.jpg" alt="petit médaillon brodé au fil d'or représentant un poisson tropical" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Poisson tropical inspiré de gravures du 18e siècle, broderie en point d'ombre italien, Hémiole et le chas</em></p>
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<div class="footnotes"><h4>Note</h4>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2023/01/05/Or-nu%C3%A9#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] Nous reviendront sur ses usages dans un article ultérieur.</p></div>
Broderie d'or : Judith et Holopherne
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2023-01-06T16:46:00+00:00
2023-06-01T10:17:31+01:00
Hémiole
Broderie
broderie polychrome
couchure
couchure burden
couchure byzantine
couchure d Orient
Judith et Holopherne
opus anglicanum
orfrois
peinture à l aiguille
point d orient
point de bayeux
point de boulogne
soie
XVe
<p>Voici un projet broderie sur lequel je travaille depuis quelques temps déjà : une broderie d'or inspiré des broderies de la fin du moyen-âge.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/.Broderie_d_or_Judith_et_Holopherne_m.png" alt="Broderie d'or Judith et Holopherne.png, janv. 2023" style="display:table; margin:0 auto;" title="Broderie d'or Judith et Holopherne.png, janv. 2023" />
Cette broderie au long cours a pour but d'explorer et de travailler les<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/06/16/Les-points-de-couchure"> techniques de broderie avancées de cette époque</a>, mais aussi de servir de support de communication et de démonstration sur la broderie historique et ces techniques.</p>
<p>J'en ai d'ailleurs brodé une grande partie en<a href="https://www.twitch.tv/hemiolelc" hreflang="fr" title="chaine twitch Hémiole"> direct sur twitch</a> et j'en ai profité pour discuter broderie, techniques, matériaux et histoire de la broderie sur différentes plateformes. Il est temps de commencer à mettre tout ça au propre ici.</p> <h3>Broderies d'or à la fin du moyen-âge</h3>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/orfrois-sources/.P1160556_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Fragment de croix de chasuble, Flandres, 15e siècle.</em></p>
<p>Les broderie d'or sont présentent tout le long du moyen-âge. L'art de la broderie d'or se développe en occident et de nombreuses techniques émergent à l'époque. Ces broderies, même si la demande va croissante, sont réservées à une élite qui a les moyens de se payer à la fois les matériaux (bien souvent importés) et le savoir faire des artisans. On retrouve ce genre de broderie essentiellement sur les vêtements religieux.</p>
<p>Généralement ces broderies sont appliquées sur les vêtements : c'est à dire que les broderies sont réalisées à part puis cousue sur le vêtement.</p>
<p>Une des caractéristique de ces broderies vers la fin du 14e siècle au milieu du 15e siècle est la grande variété des techniques qu'on peut retrouver sur une seule pièce.</p>
<p>En effet, au début de l<em>'<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/English-Medieval-Embroidery-Opus-Anglicanum-lecture">Opus Anglicanum</a></em>, les broderies ont tendance à présenter une variété de techniques très limitée sur une seule pièce. On assiste petit à petit à une explosion des techniques. Vers la fin du 15e siècle, avec la demande de plus en plus importante et la production qui augmente, le nombre de techniques sur une même pièce a tendance à diminuer, privilégiant des techniques, certes impressionnantes et complexes mais plus répétitives.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/orfrois-sources/.P1160438_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Broderie typique du début de l</em>'Opus Anglicanum<em> : la soie polychrome est travaillée au point fendu et l'or en couchure diaprée (à motifs géométriques). On n'observera presque aucune autre technique sur ce genre de broderie. (Broderie polychrome, Angleterre, 14e siècle).</em></p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/orfrois-sources/.P1160466_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Mitre bordée de la Sainte Chapelle, fin 14e siècle. On voit ici beaucoup plus de techniques différentes dans le travail des fils, notamment avec la présence de relief.</em></p>
<p>Le projet de broderie d'or était entre autre d'explorer la broderie d'or et de soie avancée, le choix de ce style de broderie de la fin du moyen-âge était donc évident pour pouvoir travailler sur le plus de techniques possible. Certaines d'entre elles sont décrites dans cet <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/06/16/Les-points-de-couchure">article sur les points de couchure au moyen-âge</a>, c'était l'occasion de les mettre en scène dans une pièce de broderie la plus crédible historiquement possible.</p>
<h3>Choix du thème et du motif</h3>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/orfrois-sources/.P1160568_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Fragment d'orfroi, Pays-Bas 15e siècle.</em></p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/orfrois-sources/.P1160513_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Fragment d'aumônière trapézoïdale, mi-14e siècle.</em></p>
<p>Si les broderies d'or peuvent avoir des motifs végétaux voire profanes, les pièces les plus impressionnantes et les plus variées qui nous sont parvenues illustres des scènes religieuses : illustrations de saints, scènes de la bible.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/orfrois-sources/.P1160481_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Panneau brodé : cycle de la légende de Saint Martin, France, milieu du 15e siècle.</em></p>
<p>J'ai longtemps cherché un motif à illustrer, pour rester la plus proche possible des broderies historiques, j'ai décidé de rester sur un motif religieux tout en essayant de trouver un thème parlant au plus grand nombre. Mon choix s'est porté sur une scène de l'ancien testament :<strong> Judith portant la tête d'Holopherne</strong>. C'est une scène populaire et représentée très fréquemment dans l'art depuis le 12e siècle jusqu'à aujourd'hui<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2022/01/07/Broderie-d-un-orfrois-de-la-fin-du-moyen-%C3%A2ge#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup>, beaucoup d'artistes (et pas seulement) se la sont appropriée.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/judith-sources/.coucou-c-nous_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Codex Palatinus germanicus 17. Stuttgart (?), 1477.</em></p>
<p>J'ai construit le motif en essayant de respecter les codes et représentations de l'époque, tout en gardant des éléments avec en tête les techniques que j'avais envie d'expérimenter. Par exemple, la tente est un élément important de la scène qui se déroule dans un camp militaire.</p>
<h3>Matériaux</h3>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/.orfrois-01_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Toile de lin montée sur un métier à broder avec le motif tracé à l'encre dessus : a gauche le décors dans un médaillon, à droite, les 2 personnages : Judith et sa servante plaçant la tête d'Holopherne dans un sac.</em></p>
<p>Pour broder ce projet, j'ai utilisé une toile de lin tissé main de 23 fils/cm, des fils de soie floche de différentes couleurs, des filé or de deux tailles différentes (n°4 et n°6).</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/.wip-detail-03_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Détail de broderie de l'herbe : du fil d'or couché horizontalement et légèrement espacé qui est recouvert en partie par des fils de soie dans un dégradé de verts. Par dessus une fleur est brodée au fil d'or au point de Boulogne.</em></p>
<h3>Avancées</h3>
<p>J'ai commencé à broder les différentes zones de la broderie en parallèle pour alterner les techniques, au fil de la première moitié de 2022.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/.wip-persos-06-01-23_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
A ce jour (janvier 2023) les zones brodées de soie polychrome des 2 personnages sont terminées, il ne reste plus que les parties brodées au fil d'or sur Judith.</p>
<p>Le décors d'arrière plan est terminé et il reste l'essentiel de la tente, en partie aux fils de soie et au fil d'or.
<img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/broderie-orfrois/photos/.wip-decors-06-01-23_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
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<div class="footnotes"><h4>Note</h4>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2022/01/07/Broderie-d-un-orfrois-de-la-fin-du-moyen-%C3%A2ge#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] Je reviendrai sur Judith, ses symboliques et les interprétations de cette scène dans un article ultérieur.</p></div>
Broderies germaniques à points comptés : les broderies polychromes à grille
urn:md5:794e1716bdf2b9f4bb4e514eb5d1953b
2021-05-19T17:26:00+01:00
2023-06-01T10:17:52+01:00
Hémiole
Broderie
aumônière
bourse
broderie
broderie polychrome
opus teutonicum
point de brique
soie
XIIIe
XIVe
XVe
<p>Nous nous étions arrêtés dans <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/03/10/Les-broderies-germaniques-%C3%A0-point-compt%C3%A9s-partie-2">l’article précédent</a>, sur cette bordure de la couverture d'un coussin d'autel du XVe siècle.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.detail-06_m.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<p>Contrairement au reste de la pièce, sur les zones abîmées de la bordure, il n'y a aucun trait d'encre sur le tissu, le motif n'est pas tracé et se répète à l'identique, au point près, sur toute la bordure. Il s'agit d'une broderie à grille.</p> <h3>Définition des broderies à grilles</h3>
<p>Une <em><strong>broderie à grille</strong></em> est une broderie réalisée à partir d'un modèle qu'on reporte point par point. Ce modèle est présenté sous forme de grille où chaque nœud (ou carré comme sur l'exemple ci-dessous) correspond à un point de broderie.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.grille-01_m.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em><a href="https://www.metmuseum.org/art/collection/search/354657" hreflang="en">Eyn new kunstlichboich, Cologne, 1529.</a></em></p>
<p>Cette technique présente l'avantage de pouvoir réaliser un motif précis et répétable à l'infini. C'est particulièrement indiqué pour les frises ou les motifs répétés en carreaux comme certains motifs héraldiques.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.aumoniere-heraldique-petits-points_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Aumônière à décor héraldique, Zone germanique, vers 1300. Tongres, Basilique Notre-Dame.</em></p>
<p>Dans ce cas, et contrairement aux exemples que nous avons vus dans les articles précédents<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/09/28/Broderies-germaniques-%C3%A0-points-compt%C3%A9s-%3A-les-broderies-polychromes-%C3%A0-grille#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup>, le motif n'a donc pas besoin d'être tracé sur le tissu.</p>
<h3>Points utilisés</h3>
<p>Une majorité de ces pièces sont réalisées avec un point droit de tapisserie. Est-ce enfin, le fameux point de brique dont on parle depuis le début ?
Quand on y regarde de plus près, c'est, encore une fois, plus varié.</p>
<p>J'ai sélectionné un corpus de 44 broderies médiévales qui semblent avoir été réalisées d'après une gille. Pour les sélectionner je relève les motifs qui sont répétés au point près, les motifs stylisés et simplifiés pour correspondre à une grille ou le fait que les points ne sont jamais interrompus ou déformés pour rentrer dans un dessin tracé.</p>
<p>Vous pouvez retrouver en partie les broderies sélectionnées sur ce <a href="https://pin.it/3YKzOYi" hreflang="fr" title="Broderies médiévales à grille - Pinterest">tableau pinterest</a>. Sur ces 44 pièces j'ai séparer les points en 2<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/09/28/Broderies-germaniques-%C3%A0-points-compt%C3%A9s-%3A-les-broderies-polychromes-%C3%A0-grille#wiki-footnote-2" id="rev-wiki-footnote-2">2</a>]</sup> (certaines pièces présentent plusieurs techniques, d'où un total supérieur à 44) :</p>
<ul>
<li>15 sont brodées au point de croix (et ses variations comme le <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/Le-point-de-croix-natt%C3%A9" hreflang="fr">point de croix natté</a>).</li>
<li>31 sont brodées au point lancé droit et ses variations dont 13 au point de brique à proprement parler.</li>
</ul>
<p>Je vous propose de détailler 3 de ces points : le <em><strong>point de croix natté</strong></em>, le <em><strong>point de satin</strong></em> et le <em><strong>point de brique</strong></em><sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/09/28/Broderies-germaniques-%C3%A0-points-compt%C3%A9s-%3A-les-broderies-polychromes-%C3%A0-grille#wiki-footnote-3" id="rev-wiki-footnote-3">3</a>]</sup></p>
<h4>Point de croix natté</h4>
<p>On l'a vu avec l'exemple du coussin brodé qui a fait le lien avec l'article précédent, le <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/Le-point-de-croix-natt%C3%A9" hreflang="fr">point de croix natté</a> est un point qu'on retrouve assez fréquemment dans les broderies à point comptés et les broderies à grille ne font pas exception. En effet, comme pour la broderie au point de croix moderne, le point de croix et ses variations se prête bien à ce genre de technique, comme ici sur le motif de sirène répété de cette bourse à relique :</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.point-de-croix-natte-01-detail_m.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em><a href="http://balat.kikirpa.be/photo.php?path=B223582&objnr=10128650&lang=fr-FR" hreflang="en">Bourse à relique, Liège, 14e siècle.</a></em></p>
<p>Un autre exemple, avec cette aumônière où l'on peut remarquer que chaque motif est traité indépendamment et le sens de broderie des points peut être horizontal ou vertical selon le besoin.
<img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.aumoniere-heraldique-01_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Aumônière à motifs héraldiques. France ou pays Germaniques, XIVe siècle, Paris, Musée des arts décoratifs.</em></p>
<h4>Point de tapisserie droit - point lancé</h4>
<p>Il s'agit d'un point compté droit : on suit parfaitement la trame du tissu et les points sont disposés parallèlement les uns aux autres. En faisant varier la longueur et le décalage entre chaque point, on obtient des motifs et des textures différentes.</p>
<p>Par exemple, le <em>point de Hongrie</em> est un ensemble de points droits qui forment des losanges :
<img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/echantillon/.losange_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<p>Une grande partie des points de tapisserie droit sont donc des variations du point droit lancé, je vous propose de nous intéresser aux 2 plus fréquents dans les broderies à grille de la période :</p>
<h5>Point de satin</h5>
<p>Dans la tapisserie à l'aiguille, on nomme parfois <em><strong>point de satin</strong></em> une technique où la longueur des points s'adapte au motif. En effet le point de satin est un point qui couvre le motif de part en part comme dans l'exemple ci-dessous.
<img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.aumoniere-detail-01_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em><a href="https://collections.vam.ac.uk/item/O144713/bag-unknown/" hreflang="en">Bourse, 15e siècle, V&A.</a></em></p>
<p>Sur cette broderie du 15e siècle, le motif est répété régulièrement mais les points ne font pas tous la même longueur : sur les branches colorées par exemple, la longueur des points s'adapte à la longueur de la zone à recouvrir :
<img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/detail-satin-01.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Bourse 15e siècle, détail.</em></p>
<h5>Point de brique</h5>
<p>Le point de brique est une variante du point droit lancé dans lequel les points sont brodés en quinconce de sorte à former un motif de briques. Tous les points font la même longueur et chaque point est décalé de la moitié de sa longueur exactement par rapport à ses voisins :</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/echantillon/.brique-02_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<p>Dans le cas de broderies à grilles, le motif doit correspondre exactement à ce schéma et doit donc être conçu en conséquence.</p>
<p>Sur ce fragment d'aumônière du 14e siècle, les lions ont été dessinés de sorte à ce que leur forme corresponde à un nombre exact de points de longueur égale et à ce que leur décalage soit soit précisément de la moitié de leur longueur.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.lion-01_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Fragment d'aumônière brodé au point de brique, pays germaniques, 14e siècles, musée de Cluny.</em></p>
<p>Sur ce fragment de broderie, on peut également observer les conséquences du travail au point de croix sur un motif :</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.point-de-brique-detail-03_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em><a href="https://collections.vam.ac.uk/item/O364076/embroidery/" hreflang="en">Fragment de broderie, 14e siècle, pays germaniques, V&A.</a></em></p>
<p>On observe bien le décalage en quinconce sur la tête des personnages puis qu’avec cette technique, il est impossible de broder une ligne droite horizontale nette :
<img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/detail-brique-01.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<h3>Création et transmission des motifs.</h3>
<p>Ce type de broderie n'étant pas dessiné sur le tissu que se soit directement par un peintre ou reportés au moyen d'un poncif<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/09/28/Broderies-germaniques-%C3%A0-points-compt%C3%A9s-%3A-les-broderies-polychromes-%C3%A0-grille#wiki-footnote-4" id="rev-wiki-footnote-4">4</a>]</sup>, on peut se demander comment ils étaient transmis et comment ils se diffusaient.</p>
<p>Malheureusement on sait peu de choses des modèles à grille au moyen-âge. Il y a plusieurs manière d'en garder une trace : le dessin sous forme de grille (comme en dessous) ou l'échantillon brodé.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.page-de-modele_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Furm oder Modelbuchlein, 1523.</em></p>
<p>A la renaissance des ouvrages de recueils de modèles se répandent à la faveur du développement des imprimeurs et d'une clientèle qui se diversifie : à la fois professionnelle et amatrice (dans le cadre de travaux d'aiguilles domestiques)<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/09/28/Broderies-germaniques-%C3%A0-points-compt%C3%A9s-%3A-les-broderies-polychromes-%C3%A0-grille#wiki-footnote-5" id="rev-wiki-footnote-5">5</a>]</sup>. Mais l'ouvrage le plus ancien connu à ce jour est le <em>Furm oder Modelbuchlein</em> de Schonsperger daté de 1523<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/09/28/Broderies-germaniques-%C3%A0-points-compt%C3%A9s-%3A-les-broderies-polychromes-%C3%A0-grille#wiki-footnote-6" id="rev-wiki-footnote-6">6</a>]</sup>.</p>
<p>Avant cette date, il existait des planches de modèles pour la peinture et pour la broderie. Pourtant on ne sait rien de grilles spécifiques à ce type de broderies (et autres travaux d'aiguilles). Comme un brodeur ou une brodeuse aguerri·e peut extrapoler une grille d'après un motif dessiné au trait, il est possible que ce type de planche n'ait jamais existé.</p>
<p>En ce qui concerne les échantillons, en tant qu'objet textile de faible valeur, leur conservation n'est pas assurée. En effet une bande d'échantillon peut être un exemple très basique de points ou de motifs dans ce style :</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.echantillon-01_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Échantillon de différents points de tapisseries à l'aiguille relevés sur des broderies médiévales.</em></p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/echantillon/.champ-de-fleur-01-SMALL_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Échantillon : relevé de la bordure du coussin brodé du 15e siècle.</em></p>
<p>Cependant, certains carnets de modèles de la fin du moyen-âge sont utilisés comme échantillon et portfolio, pour montrer son savoir faire<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/09/28/Broderies-germaniques-%C3%A0-points-compt%C3%A9s-%3A-les-broderies-polychromes-%C3%A0-grille#wiki-footnote-7" id="rev-wiki-footnote-7">7</a>]</sup> et non pour transmettre les motifs. Est-ce qu'on peut imaginer que certaines pièces brodées qui ont été conservées sous forme de fragment dans des trésors d'églises, aient pu être des échantillons ?</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.SC162095_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em><a href="https://collections.mfa.org/objects/46966" hreflang="en">Fragment d'un sac à reliques, Allemagne, 13e siècle.</a></em></p>
<p>A suivre : je proposerai dans un prochain article de revenir brièvement sur les différents styles de broderie abordés et de conclure la série sur la tapisserie à l'aiguille ou la broderie à points comptés au moyen-âge.</p>
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<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/09/28/Broderies-germaniques-%C3%A0-points-compt%C3%A9s-%3A-les-broderies-polychromes-%C3%A0-grille#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] Voir <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/01/21/Les-broderies-a-point-comptes">Broderies à points comptés : Opus Teutonicum</a> et <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/03/10/Les-broderies-germaniques-%C3%A0-point-compt%C3%A9s-partie-2">Les broderies polychromes figuratives à points comptés</a></p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/09/28/Broderies-germaniques-%C3%A0-points-compt%C3%A9s-%3A-les-broderies-polychromes-%C3%A0-grille#rev-wiki-footnote-2" id="wiki-footnote-2">2</a>] En tapisserie à l'aiguille, il est fréquent de séparer les techniques en <em>points croisés</em> d'une part et <em>points droits</em> d'autre part. De nombreux points sont en fait des variations autour d'une même base.</p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/09/28/Broderies-germaniques-%C3%A0-points-compt%C3%A9s-%3A-les-broderies-polychromes-%C3%A0-grille#rev-wiki-footnote-3" id="wiki-footnote-3">3</a>] Les noms et explications des points sont intimement liés au style de broderie auquel on le rattache et la tapisserie à l'aiguille médiévale n'est pas exactement formalisée de ce point de vue là. Dans les musées ou les catalogues d'exposition, les points sont désignés de manière plus ou moins précises souvent par des termes générique comme <em>point de tapisserie</em> quel que soit le point exact utilisé. Dans les manuels de broderie modernes, les appellations peuvent varier selon le contexte ou le style (broderie libre, tapisserie à l'aiguille, blackwork, crewelwork, ou peinture à l'aiguille), le plus souvent les divergences se font sur les variations d'un même point, en particulier sur des styles très précis comme celui qui nous occupe ici. J'ai essayé dans cet article, de proposer des appellations simples et assez génériques pour retrouver facilement des références tout en décrivant précisément de quoi je parle pour écarter toute ambiguïté. Ce travail d'équilibriste n'a pas été sans mal et m'a fait longtemps reculer la publication de cet article.</p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/09/28/Broderies-germaniques-%C3%A0-points-compt%C3%A9s-%3A-les-broderies-polychromes-%C3%A0-grille#rev-wiki-footnote-4" id="wiki-footnote-4">4</a>] Voir à ce propos mes 2 articles qui évoquent la question des techniques de dessin et de reproduction des modèles dessinés : <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2009/11/20/37-a-vos-marques-prets-brodez">Comment dessiner pour un brodeur</a> et <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/07/02/R%C3%A9ception-des-broderies-m%C3%A9di%C3%A9vales-au-moyen-%C3%A2ge-et-aujourd-hui">Pour en finir avec le syndrome de Pénélope</a> où la question est abordée.</p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/09/28/Broderies-germaniques-%C3%A0-points-compt%C3%A9s-%3A-les-broderies-polychromes-%C3%A0-grille#rev-wiki-footnote-5" id="wiki-footnote-5">5</a>] Les premiers ouvrages imprimés sont systématiquement dédicacés et explicitement adressé aux professionels et aux femmes pratiquant les travaux d'aiguille en amatrice. C'est essentiellement lié à l’essor de cette pratique amatrice qui se développe au 16e siècle.</p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/09/28/Broderies-germaniques-%C3%A0-points-compt%C3%A9s-%3A-les-broderies-polychromes-%C3%A0-grille#rev-wiki-footnote-6" id="wiki-footnote-6">6</a>] On peut trouver une liste de ces recueil de modèles sur le site <a href="https://modelbuch.com/portfolio/lotz-list/" hreflang="en">modelbuch.com</a></p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/09/28/Broderies-germaniques-%C3%A0-points-compt%C3%A9s-%3A-les-broderies-polychromes-%C3%A0-grille#rev-wiki-footnote-7" id="wiki-footnote-7">7</a>] Les modèles gothiques : un état des questions. Laurence Terrier Aliferis dans Les modèles dans l'art du moyen-âge (12e-15e siècles) Brepols, 2018.</p></div>
Les broderies polychromes figuratives à points comptés
urn:md5:faf82291d995eb1995272add2488b982
2020-08-21T19:25:00+01:00
2023-06-01T10:18:02+01:00
Hémiole
Broderie
broderie
broderie polychrome
opus alamanicum
opus teutonicum
point de brique
point de chainette
point de tige
soie
XIIIe
XIVe
XVe
<p>Deuxième partie de mon tour d'horizon des broderies médiévales germaniques à points comptés. Vous pouvez, si ce n'est déjà fait, lire la <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/01/21/Les-broderies-a-point-comptes">première partie, consacrée à l<em>'opus teutonicum</em></a>.</p>
<p>Je vous propose aujourd'hui de nous intéresser aux broderies germaniques à points comptés où la couleur a une place prépondérante.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.detail-03_m.jpg" alt="" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" />
<a href="https://www.metmuseum.org/art/collection/search/468750" hreflang="en">Tenture brodée, fin XIVe siècle, MET.</a></p>
<p>Dans les ouvrages sur l'histoire de la broderie, il y a souvent peu de distinction faite entre ces deux ensembles. Si on revient à la définition de Kay Staniland, on pourrait déduire que les broderies polychromes ne sont qu'une évolution de la broderie blanche à laquelle on aurait ajouté de la couleur petit à petit. Nous avons pourtant vu que l<em>'opus teutonicum</em> ne saurait être réduit à la définition de broderie blanche et que la couleur semble avoir toujours fait partie de ce type d'ouvrage.</p>
<p>Les broderies polychromes ne sont-elles qu'une évolution logique de la broderie à dominante blanche ou ont-elles coexisté ?</p>
<p>Il existe un large corpus de broderies polychromes, contemporain de l<em>'opus teutonicum</em> qui ne répond pas à sa définition. Le problème reste leur hétérogénéité.
Si l'observation de broderies et les travaux de plusieurs historiens nous ont permis de proposer une définition de l<em>'opus teutonicum</em>, comment définir les autres broderies à points comptés ? En négatif ?</p> <h3>Evolution de l<em>'opus teutonicum</em> ?</h3>
<p>Quelques pièces sont difficile à discriminer.</p>
<p>En effet, elles présentent quelques caractéristiques de l<em>'opus teutonicum</em> comme le tissu de fond qui reste visible mais ne répondent pas aux autres éléments qui le définissent comme l'utilisation du fil de lin ou la dominante blanche.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.stnicolas-2_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<a href="http://www.smb-digital.de/eMuseumPlus?service=ExternalInterface&module=collection&objectId=1904366&viewType=detailView" hreflang="en">Tenture d'autel, légende de St Nicolas. Allemagne 1360 – 1370.</a></p>
<p>Sur cette tenture, le tissu de fond, une toile de lin, est visible. Les personnages et les décors sont brodés avec de nombreuses couleurs.
La broderie en blanc est un peu plus présente sur les bandes décoratives florales en bordures et rappellent l<em>'opus teutonicum</em>.
La variété des points utilisés est peu importante. C'est la couleur qui nous permet une lecture fine de la scène et non les différentes textures brodées.</p>
<p>Vous pouvez trouvez d'autres exemples avec des photos détaillées sur ce blog : <a href="http://fraubevin.blogspot.com/2016/06/kloster-marienberg-in-helmstedt.html" hreflang="de" title="trésor de l'abbaye de Marienberg">trésor de l'abbaye de Marienberg (Helmstedt</a>).</p>
<p>Ces exemples sont probablement représentatifs de ce que pourrait être une évolution de l<em>'opus teutonicum</em> auquel on accorderait plus de place à la couleur. Mais on le voit, ça s'accompagne d'un appauvrissement des techniques.</p>
<p>Pourtant ce n'est pas la majorité des pièces polychromes qui répond à ce critère. D'autant que certaines de ces pièces entièrement brodées sont contemporaines de l'âge d'or de l<em>'opus teutonicum</em>.
Nous allons donc nous intéresser aux broderies polychromes à points comptés entièrement brodées.<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/03/10/Les-broderies-germaniques-%C3%A0-point-compt%C3%A9s-partie-2#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup></p>
<h3>Les différences</h3>
<h4>Pas de fond visible</h4>
<p>La majorité des broderies polychromes sont entièrement brodées (on ne voit plus le tissu de fond). En outre, le blanc y tient une place minime ou est totalement absent.</p>
<p>Un exemple impressionnant est l'ensemble des vêtements de Göss que j'ai évoqué à plusieurs reprises<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/03/10/Les-broderies-germaniques-%C3%A0-point-compt%C3%A9s-partie-2#wiki-footnote-2" id="rev-wiki-footnote-2">2</a>]</sup>. Daté du milieu du 13e siècle, cet ensemble est contemporain de l'âge d'or de l<em>'opus teutonicum</em>. C''est un ensemble de vêtements liturgiques (Cape, chasuble, dalmatique) entièrement brodés de fils de soie polychromes.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.DSCN0813_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
Origine : Autriche, XIIIe siècle ; Musée Autrichien des arts appliqués, Vienne.</p>
<p>Observons d'abord la dalmatique. Les motifs sont des animaux, réels ou fantastiques. La dalmatique n'est pas symétrique : une grande frise géométrique décore tout un côté. Certains caissons brodés sont même coupés. Sa construction semble être le fait de remplois de broderies.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.DSCN0830_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<p>Les figures sont brodées en soie colorées en variations de <ins>points de gobelins obliques empiétant</ins> travaillés pour donner différents effets de diagonales ou de chevrons. Le contour des figures est brodé au <ins>point de tige</ins> en couleur contrastée.</p>
<p>Les carrés sont encadrés par des frises géométriques brodées au <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/Le-point-de-croix-natt%C3%A9" hreflang="fr">point de croix natté</a>.</p>
<p>Sur la chasuble les motifs et les techniques sont sensiblement différents. L'ensemble représente des personnages (Christ, apôtres, évangélistes …) :</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.DSCN0775_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.DSCN0780_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
Ici, le fond est travaillé également au <ins>point de gobelin oblique empiétant</ins> et les personnages sont travaillés avec différents motifs de <ins>points de satin</ins> et de <ins>point de brique</ins>.
Notons au passage, la joue brodée en spirale qui rappelle l'<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/English-Medieval-Embroidery-Opus-Anglicanum-lecture" hreflang="fr"><em>opus anglicanum</em></a>.</p>
<p>Cet ensemble brodé se distingue très nettement de l<em>'opus teutonicum</em>. On peut penser que l'utilisation de légères variations dans les points permet de créer des effets de texture. En effet, la soie reflète la lumière différemment selon l'angle sous lequel le point est brodé. Ces variations ont pu créer des effets à la lumière de bougies ou de lampes à huile mais on est loin de la grande variété de l<em>'opus teutonicum</em>. Il semble évident que l'utilisation de couleurs vives rend moins nécessaire ce type de subtilités.</p>
<h4>L'usage de l'or et de la soie</h4>
<p>Une des principale caractéristiques de ces broderies, contrairement à l'opus teutonicum est l'usage massif du fil de soie. On a pu le voir dans l'exemple précédent.</p>
<p>Mais il existe des pièces qui intègre des fils d'or, on va le voir, de manière très différente de ce qu'on connait à la même époque avec l<em>'opus anglicanum</em>.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.or-01_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
Dormition, 1320. Bohème. Photo aimablement fournie par <a href="https://www.jessicagrimm.com/" hreflang="en" title="Jessica Grimm">Jessica Grimm</a>.<br />
Vous pouvez retrouver d'autres photos de broderies médiévales sur <a href="https://www.jessicagrimm.com/blog/medieval-embroidery-at-the-germanisches-nationalmuseum" hreflang="en">son blog</a>.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.or-02_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
Antependium : scènes de vie des saints. Aire germanique début 14e siècle.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.or-02-detail_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<p>Sur ces 2 exemples, la broderie est majoritairement réalisée aux fils de soie polychromes au <ins>point de satin</ins> ou au <ins>point de gobelin empiétant</ins>. La lecture des scènes se fait grâce à la polychromie bien que la couleur soit un peu passée.</p>
<p>Les fils métallisés<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/03/10/Les-broderies-germaniques-%C3%A0-point-compt%C3%A9s-partie-2#wiki-footnote-3" id="rev-wiki-footnote-3">3</a>]</sup> ne sont utilisés que pour rehausser des éléments particulièrement important, comme les auréoles et les objets sacrés. En ça, l'usage du fil d'or rappelle un peu celui des textures et des couleurs dans l<em>'opus teutonicum</em>.</p>
<h4>Techniques et points de broderies peu variés</h4>
<p>On le voit, les techniques et points utilisés peuvent varier d'une pièce à l'autre mais sont peu nombreux sur une seule broderie.
Par exemple, sur cette étole, seul le <ins>point de brique</ins> est utilisé.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.etole_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
Étole (détail), pays germaniques, 14e siècle. Lyon, cathédrale Saint-Jean.</p>
<p>La régularité du <ins>point de brique</ins>, toujours travaillé dans le même sens donne une texture très uniforme à cette pièce.</p>
<p>On peut deviner, sur les zones abîmée, que le motif a été tracé sur la toile de lin.</p>
<h4>Broderies aux motifs tracés</h4>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.2006AV2708_2500_m.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<a href="http://collections.vam.ac.uk/item/O84955/book-cushion-cover-unknown/" hreflang="en">Couverture de coussin d'autel, Origine : Allemagne ; 1400-1430 ;</a></p>
<p>Cette pièce est entièrement brodée de soies polychromes remplie avec un seul point : le <ins>point de croix natté</ins> travaillé en bandes verticales. Néanmoins quelques <ins>points de tiges</ins> viennent rehausser le dessin par endroits.</p>
<p>On pourrait penser que cette technique, brodée en bandes verticales les unes à côté des autres, répond à un motif dit « à grille »<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/03/10/Les-broderies-germaniques-%C3%A0-point-compt%C3%A9s-partie-2#wiki-footnote-4" id="rev-wiki-footnote-4">4</a>]</sup> mais le motif est bien tracé sur le tissu.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.detail-04_m.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<p>Dans les ailes de l'ange en bas à gauche, on peut observer les traits d'encre<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/03/10/Les-broderies-germaniques-%C3%A0-point-compt%C3%A9s-partie-2#wiki-footnote-5" id="rev-wiki-footnote-5">5</a>]</sup>, les zones de différentes couleurs sont donc remplies en suivant le tracé directement sur le tissu. Un autre indice se trouve dans les plumes des mêmes ailes où les <ins>points de croix natté</ins> sont déformés pour correspondre au tracé plutôt que de respecter le comptage habituel utilisé sur le reste de la pièce.</p>
<h3>Conclusions</h3>
<p>Les broderies que j'ai montré dans cet article forment un ensemble peu homogène. Les principales caractéristiques communes, en dehors des techniques de points comptés sont :</p>
<ul>
<li>Le tissu entièrement brodé, fond non visible</li>
<li>Un usage de fils colorés en soie (peu ou pas de fil d'or)</li>
<li>Une faible variété de points sur une même pièce</li>
<li>Le motifs tracés sur le tissu.</li>
</ul>
<p>Impossible donc de les désigner par un point de broderie spécifique, encore moins de les rattacher à l<em>'opus teutonicum</em>. L'ensemble de ces broderies mériterait probablement d'être encore étudié à la loupe de sorte à y déceler si besoin des styles bien distincts. C'est la raison pour laquelle je les ai appelées sous le terme générique de « <em>broderies polychromes à points comptés figuratives</em> ».</p>
<p>Pourquoi « figuratives » ?</p>
<p>Parce que cet ensemble se distingue d'un autre type de broderie à points comptés de la même période et de la même zone : les broderies « à grille ».</p>
<p>Sur le dernier exemple que nous avons vu, il est nécessaire de s'attarder un peu sur la bordure fleurie de la pièce.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.detail-06_m.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<p>En effet, cette bordure est réalisée selon un schéma qui se répète au point près, contrairement au reste de la broderie. Et dans les zones où cette bordure est abîmée on ne distingue aucune ligne d'encre.
S'il ne s'agit dans ce cas que de la bordure, il existe tout un ensemble de broderies de cette même période qui peut être définie par cette caractéristique : un motif simplifié pour s'adapter au point de broderie et répétable à l'infini.</p>
<p>Je vous propose de les étudier dans un article à venir.</p>
<h3><a href="https://ko-fi.com/hemiole" hreflang="fr" title="Soutenir Hémiole sur ko-fi">Vous pouvez soutenir le blog en faisant un don sur ko-fi.</a></h3>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/03/10/Les-broderies-germaniques-%C3%A0-point-compt%C3%A9s-partie-2#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] Une fois de plus, c'est à travers la description de quelques exemples que je vous propose d'explorer ce corpus et de tenter d'en tirer les caractéristiques principales. Si je choisis uniquement quelques pièces, vous pourrez en retrouver d'autres, enregistrées sur mon <a href="https://pin.it/7nizqUq" hreflang="fr" title="Hémiole et le chas sur Pinterest">tableau pinterest</a>.</p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/03/10/Les-broderies-germaniques-%C3%A0-point-compt%C3%A9s-partie-2#rev-wiki-footnote-2" id="wiki-footnote-2">2</a>] Vous pouvez retrouver des références à ces vêtements dans différents articles : les <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/Broderies-%3A-points-utilis%C3%A9s">points de broderie</a> utilisés au moyen âge ou encore sur l'<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2012/02/12/48-l-usage-de-decors-brodes-aux-xiie-et-xiiie-siecles">usage des broderies médiévales</a>.</p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/03/10/Les-broderies-germaniques-%C3%A0-point-compt%C3%A9s-partie-2#rev-wiki-footnote-3" id="wiki-footnote-3">3</a>] La couleur des fils métallisé est essentiellement liée à l'oxydation, en effet les fils fabriqués à base d’alliages et non d'or pur s'oxydent et changent de couleur au lieu de simplement ternir.</p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/03/10/Les-broderies-germaniques-%C3%A0-point-compt%C3%A9s-partie-2#rev-wiki-footnote-4" id="wiki-footnote-4">4</a>] c'est à dire un motif dessiné sur un modèle à part (carton, parchemin, échantillon) et reproduit en comptant les points au fur et à mesure.</p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/03/10/Les-broderies-germaniques-%C3%A0-point-compt%C3%A9s-partie-2#rev-wiki-footnote-5" id="wiki-footnote-5">5</a>] Pour en savoir plus sur les techniques de dessin pour les broderies, voir mes articles : <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/07/02/R%C3%A9ception-des-broderies-m%C3%A9di%C3%A9vales-au-moyen-%C3%A2ge-et-aujourd-hui">Pour en finir avec le syndrome de Pénélope</a> et <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2009/11/20/37-a-vos-marques-prets-brodez">A vos marques, prêts, brodez !</a> </p></div>
Broderies à point comptés : l'Opus Teutonicum
urn:md5:53dfddf0e1d68619bfca3309efd41e36
2020-01-21T11:49:00+00:00
2023-06-01T10:18:47+01:00
Hémiole
Broderie
aumônière
broderie
broderie blanche
broderie polychrome
lin
opus alamanicum
opus teutonicum
point de brique
point de chainette
soie
XIIIe
XIVe
XVe
<p>English readers : <a href="https://www.letempsdebroder.com/en/articles-en/the-opus-teutonicum-german-embroidery-a-definition/" hreflang="en" title="opus teutonicum">you can find a translation of this article on Le temps de broder</a>.</p>
<p>Les <strong>broderies médiévales à points comptés de l'aire germanique</strong> constituent un ensemble de broderies très variées. Du 12e au 15e siècle, ces broderies ont en commun l'utilisation de points comptés, c'est à dire que chaque point est réalisé de manière précise en comptant les fils du support de la broderie (tissu).</p>
<p>En dehors de cette caractéristique technique, le corpus est fort hétérogène. Pourtant bien souvent, les ouvrages relevant de cette période et de cette zone géographique sont désignés par une appellation générique, comme « german brick stitch » (point de brique allemand) ou « opus teutonicum ». Ces deux appellations posent problème. En effet, l'appellation point de brique ne reflète pas la diversité technique. Quant à l<em>'opus teutonicum</em> , il a une définition historique bien précise qui s’accommode assez mal de cette généralisation.</p>
<p>Je vous propose un petit tour d'horizon de ces différentes broderies pour décrire leurs caractéristiques techniques et graphiques et tenter de les désigner de manière satisfaisante.<br /></p>
<ul>
<li>Est-ce que ce corpus peut être considéré comme un grand ensemble cohérent ?</li>
<li>Est-ce que les différences techniques et graphiques nous permettent de discriminer des sous ensembles stylistiques et de les relier aux définitions existantes ?</li>
</ul>
<p>Ce travail va également me permettre d'introduire la notion de <strong>style de broderie</strong>.</p>
<p>En effet, dans le cadre de la reconstitution de broderie médiévale, il est important de comprendre ces notions de style de broderie afin d'obtenir un résultat le plus crédible possible qui respecte à la fois les contraintes techniques et graphiques. Grâce à une meilleure description et des définitions claires, j'espère permettre à chacun de mieux comprendre les ouvrages de ce type, de les relier entre eux et de faire des choix éclairés en terme de reconstitution.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.vue-d-ensemble_m.png" alt="vue-d-ensemble.png, fév. 2020" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Vue d'ensemble des <a href="https://pin.it/jycwwxj3lhntrp" hreflang="fr" title="Broderies germaniques à points comptés">broderies germaniques à points comptés sélectionnées sur mon tableau pinterest</a>.</em></p>
<p>Étant donné l'ampleur du sujet, je vous propose de découvrir ces pièces en plusieurs articles afin d'éviter un article trop long :</p>
<ul>
<li><ins> L<em>'opus teutonicum</em></ins> : exemples et définition.</li>
<li><ins>Les broderies polychromes</ins> : corpus homogène ?</li>
<li><ins>Techniques utilisées</ins></li>
</ul> <h3>L<em>'opus Teutonicum</em></h3>
<p>La définition la plus connue de l<em>'opus teutonicum</em> est sans doute celle que donne Kay Staniland à la fin de son ouvrage <ins>les brodeurs</ins><sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/01/21/Les-broderies-a-point-comptes#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup> : « <q>se rapporterait aux broderie en fil de lin sur toile blanche</q> ». Dans le texte du livre, il complète cependant la description de la broderie germanique par l'apport de fils de soie polychrome. « <q>L'or y est très peu employé, parfois pas du tout, ce qui est caractéristique de la broderie germanique du XIIe siècle ; la richesse des effets obtenues par les fils de soie de couleurs compense néanmoins ce manque</q> ».</p>
<p>Nous allons voir comment comprendre cette définition et quelles pièces nous pouvons y rapporter à travers les exemples suivants.</p>
<h4><em>L'opus teutonicum</em> : broderies de lin</h4>
<p>Au moyen-âge, les broderies au fil de lin étaient effectivement considérées comme typiquement allemandes, les termes <em>opus teutonicum</em>, <em>opus alemanicum</em> ou <em>ad modum allamanicum</em> se retrouvent dans des inventaires de cette période et il apparaît que se c'est bien la nature des matériaux (le lin) qui définisse cette appellation en opposition aux broderies au fil de soie, et aux broderie d'or de l<em>'<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/English-Medieval-Embroidery-Opus-Anglicanum-lecture">opus anglicanum</a></em>.</p>
<p>L'utilisation du lin en broderie est souvent interprétée comme une réponse à un problème économique. En effet, ces broderies provenant de couvents de régions pauvres (basse-Saxe), il peut sembler évident qu'à une époque où la soie est importée (la culture de la soie ne se développe en Italie que vers la fin du 12e siècle et vraisemblablement au cours du 13e siècle dans le sud de la France), des matériaux moins coûteux aient été utilisés.</p>
<p>Pour autant, il semble que l'utilisation de matériaux simples réponde aussi à un impératif monastique : une expression de piété et de modestie. Les ordres monastiques rappellent régulièrement l'interdiction du luxe. Dans les monastère de femmes en Allemagne, des règles sont édictées pour imposer le lin, y compris dans l'ornementation.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/adoration-des-mages.jpg" alt="x-default, fév. 2020" style="display:table; margin:0 auto;" title="x-default" />
<em><a href="https://www.metmuseum.org/art/collection/search/466843" hreflang="en">L'adoration des mages, nappe d'autel.</a> ; Sophia, Hadewigis, and Lucardis (possiblement les brodeuses<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/01/21/Les-broderies-a-point-comptes#wiki-footnote-2" id="rev-wiki-footnote-2">2</a>]</sup>) ; seconde moitié du 14e siècle.</em></p>
<p>Certaines de ces pièces, comme la nappe d'autel ci-dessus, mettent même en scène ces moniales qui ont brodé leur propre mobilier liturgique.</p>
<h4><em>L'opus teutonicum</em> : broderie aux accents colorés</h4>
<p>Au 19e siècle, les historiens de l'art ont consacré l'expression <em>opus teutonicum</em> pour désigner ces broderies blanches au fil de lin. L'appellation <em>broderie blanche</em> sous-entend que la couleur n'y est pas présente du tout (les exemples modernes de broderie blanche, comme la broderie de Richelieu ou la broderie hardanger n'utilisent pas du tout de fils colorés). Il est en effet notable qu'un certain nombre de ces broderies médiévales allemandes sont parvenues jusqu'à nous entièrement blanches. L'absence de couleur a alors été interprétée comme un rappel symbolique de la l'idéal de pauvreté des ordres, en particulier de l'habit blanc des cisterciens.</p>
<p>Mais les recherches récentes de Stefanie Seeberg<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/01/21/Les-broderies-a-point-comptes#wiki-footnote-3" id="rev-wiki-footnote-3">3</a>]</sup> viennent nuancer ces observations et interprétations. En croisant les descriptions datant du XVIIe siècle de ces broderies et des observations minutieuses et des analyses à la lumière à UV, elle a pu dresser un portrait robot de ce à quoi ressemblaient ces broderies au moyen-âge.</p>
<p>Il en ressort que ces broderies réalisées au fil de lin sur toile blanche présentaient des touches de couleurs. Sur ces <em>broderies en lin à dominante blanche</em>, les lignes de contour et des accents étaient réalisés à l'aide de fils de soie, de laine ou de lin colorés. La teinture du lin étant peu durable dans le temps, certaines de ces broderies nous apparaissent aujourd'hui entièrement blanches. Elles semblent pourtant relever du même courant stylistique que celles où les accents sont réalisés en soie comme le relevait Kay Staniland dans son livre.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/fmd477356_2_.jpg" alt="fmd477356(2).jpg, fév. 2020" style="display:table; margin:0 auto;" title=" [Bildindex der Kunst und Architektur]" />
<em><a href="https://www.bildindex.de/document/obj20888582?medium=fmd477356" hreflang="de">Tenture de l'abbaye d'Isenhagen, 1346/1355. Musée de l'abbaye d'Isenhagen. © Bildarchiv Foto Marburg / Foto: Scheidt, Thomas; Aufn.</a></em></p>
<p>Cette tenture à dominante blanche est brodée de motifs nombreux : scènes religieuses (annonciation), d'animaux, de motifs héraldiques, le tout entouré de feuillages. Le fond en lin blanc est largement visible. Une partie des éléments est brodée en blanc, rehaussé de couleurs pour les contours. Certains éléments sont brodés en couleur.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/cerf-01.png" alt="cerf-01.png, fév. 2020" style="display:table; margin:0 auto;" />
Rapprochons-nous du cerf au serpent. Le corps du cerf est brodé de blanc, le contour de bleu et ces bois sont brodés en brun. Le serpent est brodé en bleu. La broderie blanche est réalisée à point comptés : les pattes et la tête au point de brique, le corps au point de passé qui laisse voir le tissu de fond et crée ainsi une texture géométrique. Les bois et le serpent sont brodé au point droit de tapisserie empiétant. Le contour est brodé au point de tige.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/.sanson_m.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<p>On peut observer la même répartition des points de broderie sur ce 2eme détail d'un homme chevauchant un lion (probablement Samson). Mais on peut également observer le tracé du motif sur les pieds de l'homme qui ne sont pas brodés mais également sous les lignes de contour.</p>
<p>Il semble qu'il faille imaginer l'ensemble des broderies de l<em>'opus teutonicum</em> comme cette tenture pour se représenter leur état à l'époque de leur fabrication.</p>
<h4><em>L'opus teutonicum</em> : broderie à textures</h4>
<p>Autre spécificité de ces broderies à dominante blanches, c'est le contraste de perception selon la distance d'observation. En effet, vues de loin, les accents colorés devaient permettre de percevoir et lire le dessin brodé. Mais de plus près, la variété des textures des points de broderies offrait une lecture plus subtile et plus précise de ces dessins. On peut compter plusieurs dizaines de motifs différents sur une même pièce. Lorsque l'on étudie plus attentivement le traitement graphique de ces broderies, on constate que l'on retrouve le même traitement graphique que dans la peinture de cette époque, comme sur ce détail de la nappe d'autel que l'on a vu précédemment :</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/adoration-des-mages-contraste.jpg" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em>Détail de la nappe d'autel mais avec plus de contraste pour mieux apprécier les différentes textures.</em></p>
<p>Sur ce détail de la broderie, on peut mieux apprécier les différentes textures créée par la broderie monochrome. Le décor floral du fond est traité de manière uniforme tandis que les différentes parties des personnages présentent des textures variées. Les couronnes et les auréoles ont un contraste de texture important tandis que le visage ou la main sont traités de manière plus discrète, rappelant ainsi ce qu'on peut observer en peinture notamment avec le travail de l'or.</p>
<p>C'est la raison pour laquelle l'appellation « german brick stitch » ne peut pas s'appliquer à toutes les broderies germaniques de la période médiévale. En effet, elle ne met l'accent que sur un seul point de broderie au détriment de tous les autres qui sont largement utilisés et contribuent fortement à la spécificité de ces broderies. Il existe bien un corpus de broderies réalisées exclusivement au point de brique en soie polychrome mais il semble inapproprié de généraliser cette appellation à l'ensemble des broderies à point compté de l'époque médiévale.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/antependium-01.png" alt="antependium-01.png, fév. 2020" style="display:table; margin:0 auto;" />
<em><a href="http://balat.kikirpa.be/object/20016337" hreflang="en">Antependium, origine : allemagne, 1301-1400, Musées Royaux d'art et d'Histoire, Bruxelles.</a></em></p>
<p>Cette tenture apparaît blanche de loin mais on peut observer de léger accents de couleur jaune et rouge. La broderie laisse largement voir le tissu de fond en lin blanc. Elle est brodée de scènes religieuses et d'animaux et de personnages fantastiques inscrits dans des décors architecturaux. D'autres décors animaliers et floraux encadrent le tout.</p>
<p>Malgré l'aspect fortement monochromatique, on distingue assez vite les différentes textures créées par la broderie. Que se soit entre les différentes parties des personnages (visages, différentes parties du corps, de vêtements) et les décors.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/broderie-germaniques/antependium-01-detail.png" alt="antependium-01-detail.png, fév. 2020" style="display:table; margin:0 auto;" />
Approchons-nous de ce personnage brodé en blanc avec des rehauts et un contour brun. Seule la coiffe est brodée en jaune. Le corps est brodé de points lancés formant des figures géométriques proches du losange, le visage est brodé au point de brique tandis que la coiffe est brodée en jours (c'est à dire que les points sont serrés si fortement qu'ils écartes les fibres du tissu de sorte à former des trous ou «jours»). L'encadrement architectural, en blanc également, est brodé au point de passé formant une texture géométrique élaborée.</p>
<p>On le voit encore sur cet exemple, c'est l'ensemble des caractéristiques que nous avons relevées qui donnent à cette broderie sa spécificité et la possibilité de lire les scènes : broderie à dominante blanche où les silhouettes se détachent du tissu de fond par leur texture. Les rehauts de couleurs facilitent la lecture des images et mettent l'accent sur des éléments forts (auréoles par exemple) tandis que la variété des textures de broderie affine la lecture et attire l’œil de plus près.</p>
<p>C'est la définition d'un <em>style de broderie</em> : il est possible de lister des caractéristiques techniques, graphiques, mais ces éléments sont tous nécessaires à son application.</p>
<h4>Conclusion</h4>
<p>Nous pouvons à présent établir un contour plus précis de ce que peut désigner l<em>'opus teutonicum</em> :<br />
<strong>Des motifs figuratifs brodés sur toile de lin laissant apparaître le tissu de fond. La broderie est réalisée au fil de lin en dominante blanche avec des accents colorés. La technique employée est majoritairement composée de points comptés créant des textures variées qui soulignent les motifs.</strong></p>
<p>Nous sommes encore loin de l'ensemble du corpus de broderies germaniques à points comptés de l'époque médiévale. En effet, toute une partie de ce grand ensemble est composé de broderies largement polychromes. Je vous propose de nous y intéresser dans article à venir.</p>
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<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/01/21/Les-broderies-a-point-comptes#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] Staniland, K. (1992). Les brodeurs (Les artisans du Moyen âge). France : Brepols.</p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/01/21/Les-broderies-a-point-comptes#rev-wiki-footnote-2" id="wiki-footnote-2">2</a>] Seeberg S. (2012) Women as makers of church decoration : Illustrated textiles at the monasteries of altenberg/lahn, Rupertsberg, and Heiningen (13th-14th c.) ; Martin, Th. : Reassessing the Roles of Women as 'Makers' of Medieval Art and Architecture. Volume one. Boston : Brill.</p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2020/01/21/Les-broderies-a-point-comptes#rev-wiki-footnote-3" id="wiki-footnote-3">3</a>] Seeberg, S. (2014). Textile Bildewerke im Kirchenraum : Leinenstikereien im Kontext millerlalterlicher Raumausstattungen aus dem Prämonstratenserinnen-Kloster Alterberg/ Lan. Allemagne : Michael Imhof Verlag ed.</p></div>
Métiers à broder
urn:md5:13bf31bc01b4aa489fba9d7af2779eb8
2019-01-23T10:27:00+00:00
2023-06-01T10:19:51+01:00
Hémiole
Broderie
artisans
Atelier de brodeurs
broderie
couchure
couchure retirée
Diderot et d Alembert
Encyclopédie
métier à broder
opus anglicanum
peinture à l aiguille
point de bayeux
Saint-Aubin
XIVe
XVe
XVI
XVIIe
XVIIIe
<p>(English readers : you can find a translation of this article on <a href="https://www.letempsdebroder.com/articles/history-of-the-embroidery-frames/" hreflang="en">Le temps de broder</a>.)</p>
<p>Les métiers à broder servent à tendre le tissu sur lequel on va appliquer une broderie. Si certains points de broderie peuvent s'effectuer sans tendre l'ouvrage, il en est pour lesquels c'est indispensable. Dans le cadre de broderie historique et de la <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?pages/Un-atelier-de-brodeurs-vers-1200">reconstitution d'un atelier de brodeurs</a> la question du métier s'est posée. Existaient-ils ? Quelle était leur forme ? Comment étaient-ils faits ?</p>
<p>J'ai donc exploré les sources, jusqu'au 18e siècle pour faire un tour d'horizon des types de métiers utilisés selon les périodes. J'ai arrêté mes recherches (même si je note les représentions plus récente pour archive) au 18e siècle car il semble correspondre à l'arrivée du tambour à broder rond. Je me suis contentée de dater son apparition et non d'étudier son évolution au cours du temps. Je consacrerai un article séparé sur l'apparition du tambour rond.</p>
<p>Les différentes sources que j'ai utilisées sont les représentations, bien sûr. Elles nous permettent d'attester de l'existence de l'outil à une date donnée. Mais celles-ci ne sont pas toujours suffisantes. Parce qu'on ne retrouve pas de représentation exhaustive de tous les outils ayant été utilisés pour les périodes anciennes mais également parce que le détail ne nous permet pas toujours d'identifier avec certitude la représentation, ni même les caractéristiques techniques de l'objet.</p>
<p>Nous étudierons également certains traités qui nous permettent d'avoir des précisions sur les us et coutumes de l'époque. Que se soit un traité de broderie ou un traité de peinture, ils vont venir en complément nous donner des informations supplémentaires.</p>
<p>Enfin, pour les périodes où l'on a aucune représentation ni texte évoquant les conditions matérielles, l'étude des broderies en elle-mêmes nous offre également quelques indices précieux sur leurs conditions de réalisation.</p> <h3>Définitions</h3>
<p>Un <strong>métier à broder</strong> est un cadre, à poser (ou sur pieds), sur lequel est tendu le tissu que l’on brode. Les plus simples sont des cadres en bois fixes, certains proposent différents systèmes pour attacher le tissu et régler la tension. Les différentes techniques pour tendre le tissu et le fixer sur le cadre peuvent varier énormément d'une période à l'autre, entre les régions et même selon le contexte de broderie. Il est alors difficile d'en faire une description exhaustive.</p>
<h3>Moyen-âge</h3>
<p>Les premières représentations de brodeuses ou brodeurs au travail datent de la fin du moyen-âge.</p>
<p>Cette enluminure date du 14e siècle, étant donné le contexte et le peu de détails qu'elle présente, il est difficile d'affirmer avec certitude s'il s'agit de broderie. Cependant, je l'ai mise dans le corpus, me basant sur le catalogue <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/English-Medieval-Embroidery-Opus-Anglicanum-lecture">English Medieval Embroidery - Opus Anglicanum</a> qui la présente ainsi.
<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/metiers-et-tambours/G70036-24a.jpg" title="G70036-24a.jpg"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/metiers-et-tambours/.G70036-24a_m.jpg" alt="G70036-24a.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" /></a>
<em>La mort de Gédéon, Queen Mary psalter; MS Royal 2B VII, fol. 37v.</em></p>
<p>Sur cette représentation de la Vierge et de l'enfant Jésus, on distingue bien un cadre posé sur des tréteaux. La BNF décrit un métier à tisser, bien que plus fréquemment représenté dans ce type de scène à l'époque, le cadre horizontal posé sur des tréteaux, avec un motif déjà dessiné en son centre, fait penser à un métier à broder. Les pelotes et l'objet que semble tenir la Vierge dans sa main droite, en revanche, font effectivement pencher vers du tissage. Cependant, l'installation de la Vierge au travail et le mobilier sont intéressants en eux-mêmes pour l'étude.
<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/metiers-et-tambours/Horae_secundum_usum_romanum<strong>btv1b84528299_150.jpg" title="Horae_secundum_usum_romanum</strong>btv1b84528299_150.jpg"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/metiers-et-tambours/.Horae_secundum_usum_romanum__btv1b84528299_150_m.jpg" alt="Horae_secundum_usum_romanum__btv1b84528299_150.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" /></a>
<em>Horae secundum usum romanum</em>. vers 1440, BNF NAL3229 fol. 71v.</p>
<p>Sur le triomphe de Minerve, fresque de Francesco Del Cossa, vers 1470, nous avons enfin une représentation incontestable de brodeuse, bien que les détails ne soient pas très parlants pour le montage du métier. On peut cependant noter en regardant attentivement que le cadre semble assemblé avec une mortaise et tenu par des chevilles.
<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/metiers-et-tambours/f461bef5f1380436e571b2fc145e6f01.jpg" title="f461bef5f1380436e571b2fc145e6f01.jpg"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/metiers-et-tambours/f461bef5f1380436e571b2fc145e6f01.jpg" alt="f461bef5f1380436e571b2fc145e6f01.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" /></a></p>
<p>A l'époque médiévale, un traité nous donne quelques indices sur les métiers à broder : le <em>Libro dell'Arte</em> de Cennino Cennini daté de la fin du XIVe siècle. S'il ne parle pas de broderie, le traité possède tout un chapitre sur l'art de dessiner pour les brodeurs à l’attention des peintres. <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2009/11/20/37-a-vos-marques-prets-brodez">Dans cet article, j'ai illustré pas à pas la méthode décrite par Cennini dans son ouvrage</a>. Ce qui nous intéresse ici, c'est qu'il précise que la toile doit être tendue sur un châssis par le brodeur lui-même. Il ne s'agit donc pas d'une spécificité de peintre mais bien de broderie.</p>
<p>Avant la fin du moyen-âge (début ou fin XIVe siècle selon les sources), comment savoir si l'ouvrage de broderie était tendu ? En observant <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/Broderies-%3A-points-utilis%C3%A9s">les points et techniques utilisés à l'époque</a>.</p>
<p>Certains points, comme le point fendu, le point de chaînette, et même certaines couchures peuvent être réalisés sans tendre l'ouvrage. Cependant, selon la taille de la broderie, selon la nature du point, il semble difficile de s'en passer.</p>
<p>Se sont les couchures qui sont les points qui nécessitent le plus souvent d'être travaillés tendus. Cette famille de points était très utilisée à l'époque, sous différentes formes : point de bayeux, point de couvent, point de boulogne, couchure retirée, utilisée en broderie d'or ... Il est néanmoins possible de travailler certains de ces points sans métier sur des petites surfaces ou des motifs de taille limitée (par exemple, on peut reproduire certains motifs de la <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2006/03/05/4-aumnire-brode">tapisserie de Bayeux sans tendre l'ouvrage</a>).</p>
<p>En revanche, en ce qui concerne les couchures d'or (que ce soit au point de couchure retirée ou au point de boulogne ainsi que toutes les variations de couchures au fil d'or), le résultat ne sera pas impeccable si l'ouvrage n'est pas tendu correctement. Par exemple, sur cette mitre du XIIIe siècle, la régularité dans la longueur et la tension des points en couchure retirée nous oriente vers une broderie réalisée par un expert qui aurait tendu correctement son ouvrage.</p>
<p><a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/Sources/mitre-sens-detail-01.JPG" title="mitre-sens-detail-01.JPG"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/Sources/.mitre-sens-detail-01_m.jpg" alt="mitre-sens-detail-01.JPG" style="display:table; margin:0 auto;" /></a>
<em>Mitre brodée XIIIe siècle, Musée de Sens.</em><br />
<em>Crédit photo : <a href="http://s419357288.siteweb-initial.fr/" hreflang="fr">Laetitia Mertini, Fief et Chevalerie</a>.</em></p>
<p>Précisons toutefois qu'il existe de rares représentations de broderies domestiques effectuées sans cadre, comme cette enluminure espagnole du XVe siècle représentant la sainte famille :
<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/metiers-et-tambours/2addff8b5e5e3b97a9183ebd7ccfa0a8.jpg" title="2addff8b5e5e3b97a9183ebd7ccfa0a8.jpg"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/metiers-et-tambours/.2addff8b5e5e3b97a9183ebd7ccfa0a8_m.jpg" alt="2addff8b5e5e3b97a9183ebd7ccfa0a8.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" /></a></p>
<p>Ces représentations de broderie sans cadre ne sont pas plus nombreuses que celles qui montrent un métier. Difficile, cependant, d'en tirer une conclusion. En effet, comme pour d'autres métiers (par exemple le peigne et la navette pour le tissage sur métier horizontal), un outil peut tout à fait servir de symbole et permettre l'identification instantanée de l'activité que l'on a voulu représenter.</p>
<h3>Renaissance</h3>
<p>Aux XVIe et XVIIe siècles, on trouve des représentations de brodeuses et de brodeurs plus nombreuses. Certaines gravures nous permettent même de visiter des ateliers de broderie et de pouvoir observer différents outils ainsi que leur organisation, chose absente des représentations médiévales.</p>
<p>Sur cette page d'un livre de modèles de broderies, on peut voir quatre femmes en train de reporter des motifs, chacune à son poste respectif. Les deux du haut travaillent sur la toile tendue sur le métier utilisant la lumière du jour pour l'une et celle d'une bougie pour l'autre, afin, vraisemblablement, de décalquer par transparence. Les métiers sont, comme pour le triomphe de Minerve, assemblés avec une mortaise et le tissu est tendu des quatre côtés par un fil accroché aux montant (passant autour, au travers de trous, ou grâce à un mécanisme caché, la gravure n'est pas suffisamment précise) et piqué dans le tissu à intervalles réguliers.
<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/metiers-et-tambours/DP353779.jpg" title="48.40(4) "><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/metiers-et-tambours/.DP353779_m.jpg" alt="48.40(4) " style="display:table; margin:0 auto;" /></a>
<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/<em>Libro quarto. De rechami per elquale se impara in diuersi modi lordine e il modo de recamare</em> de Alessandro Paganino vers 1532," hreflang="en"><em>Libro quarto. De rechami per elquale se impara in diuersi modi lordine e il modo de recamare</em> de Alessandro Paganino vers 1532, MET.</a></p>
<p>Ici nous avons un brodeur au travail (le fait que ce soit un homme est signe manifeste d'un atelier professionnel) dont le cadre est posé sur les montants d'une sorte de table qui semble assez spécifique. Ses outils sont disposés sur le métier ou sur la table. L'assemblage du cadre ne semble pas réglable avec une mortaise et des chevilles et on voit bien que le fils qui tend le tissu des quatre côtés passe cette fois autour des montants.
<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/metiers-et-tambours/3_web_A16AMM000381.jpg" title="3_web_A16AMM000381.jpg"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/metiers-et-tambours/.3_web_A16AMM000381_m.jpg" alt="3_web_A16AMM000381.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" /></a>
<a href="http://numelyo.bm-lyon.fr//BML:BML_02EST01000A16AMM000381" hreflang="fr"><em>Le brodeur</em> par Amman, Jost, 1539-1591, Bibliothèque municipale de Lyon (A16AMM000381).</a></p>
<p>Ici, encore une fois, le brodeur est penché sur son ouvrage devant la fenêtre. L'importance (évidente) de la lumière du jour dans les représentations d'atelier semble toujours représentée. Comme sur la gravure d'Amman Jost, la femme semble travailler en arrière plan à des tâches moins techniques comme préparer les matériaux, ranger, etc. Si la définition de cette gravure n'est pas suffisante pour identifier tous les détails, le métier semble être construit et monté de la même manière que la gravure précédente.
<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/metiers-et-tambours/Fotothek_df_tg_0008628_Standebuch<strong>_Beruf</strong>_Handwerk<strong>_Sticker</strong>_Seidenweber.jpg" title="Fotothek_df_tg_0008628_Standebuch<strong>_Beruf</strong>_Handwerk<strong>_Sticker</strong>_Seidenweber.jpg"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/metiers-et-tambours/.Fotothek_df_tg_0008628_Standebuch___Beruf___Handwerk___Sticker___Seidenweber_m.jpg" alt="Fotothek_df_tg_0008628_Standebuch___Beruf___Handwerk___Sticker___Seidenweber.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" /></a>
<em>Les brodeurs de soie. Christoph Weigel l'Ancien. 1698.</em></p>
<p>Enfin, voici une gravure représentant une brodeuse en contexte domestique. Bien sûr, l'allégorie prime sur l'aspect technique et la description du matériel, mais la gravure nous permet de constater qu'une femme brodant à la maison pouvait utiliser un cadre. Celui-ci semble être réglable et assemblé avec une mortaise. Le fil qui tend le tissu est, cette fois, passé au travers de trous dans les montants.
<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/metiers-et-tambours/stitchers_1627.jpg" title="stitchers_1627.jpg"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/metiers-et-tambours/.stitchers_1627_m.jpg" alt="stitchers_1627.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" /></a>
<em>Brodeuse avec Amour. 1627, J Sweelinck.</em></p>
<h3>XVIIIe siècle.</h3>
<p>Nous avons encore au XVIIIe siècle des représentations à la fois d'ateliers de brodeurs mais également de broderie domestique. Deux ouvrages majeurs de cette époque nous donnent des renseignements très précis sur l'organisation des ateliers : <a href="https://encyclopedie.uchicago.edu/" hreflang="en">L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers est une encyclopédie française, éditée de 1751 à 1772 sous la direction de Diderot et d’Alembert</a> et <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1065586m" hreflang="fr">L'art du brodeur, par M. de Saint-Aubin, 1770.</a> De part leur nature encyclopédiste, les planches, déjà nous renseignent bien sur la construction de ces métiers.</p>
<p>Les métiers sont réglables dans une largeur grâce à un système de chevilles ou de clous passés dans les trous des lattes (les montants fins qui entrent dans la mortaise). Le montage est également différent de ce qu'on a pu observer sur les représentations plus anciennes puisque le tissu n'est pas tendu sur les quatre côtés grâce à un fil mais sont cousus sur une pièce de toile fixée sur l'ensouple (les montants épais dans lesquels sont taillées les mortaises). Ce système est toujours utilisé de nos jours.</p>
<p>Dans l'Art du Brodeur, le montage est décrit avec précision, l'organisation de l'atelier également, avec la place respective d'une brodeuse droitière et d'une gauchère :
<img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/metiers-et-tambours/L_art_du_brodeur_par_M__._Saint-Aubin_Charles-Germain_bpt6k1065586m.JPEG" alt="L_art_du_brodeur_par_M__._Saint-Aubin_Charles-Germain_bpt6k1065586m.JPEG" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/metiers-et-tambours/L_art_du_brodeur_par_M__._Saint-Aubin_Charles-Germain_bpt6k1065586m_66__2_.jpg" alt="L_art_du_brodeur_par_M__._Saint-Aubin_Charles-Germain_bpt6k1065586m_66__2_.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<p>Dans l'Encyclopédie, la description est un peu moins détaillée mais très claire également.
<img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Broderie/metiers-et-tambours/258.png" alt="258.png" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<blockquote><p>LA vignette représente un attelier de brodeur.<br />
Fig. 1. Tient un métier tout tendu. Ce métier est composé de deux ensuples a a, & de deux lattes b b ; on voit en c l'étoffe sur laquelle on a tracé le dessein d'une veste pour être brodée.<br />
Avant de tendre l'étoffe sur le métier, il faut la border tout-autour d'un gallon de toile bien cousu. C'est ce gallon que l'on coud ensuite aux lisieres des ensuples, & dans lequel passent les ficelles qui font le tour des lattes, afin de ne point gâter l'étoffe.<br />
2. Représente une femme occupée à broder ; son métier est posé horisontalement en a sur un treteau, & en b, sur une plate-bande de bois regnante dans toute l'étendue des croisées, pour recevoir autant de métiers qu'il seroit nécessaire.<br />
La main droite de l'ouvriere est posée sur l'étoffe pour recevoir l'aiguille que la main gauche qui est dessous, va lui passer.<br />
Quand l'ouvriere ne peut pas atteindre à la partie qu'elle veut broder, elle roule son étoffe sur l'une des ensuples. Bas de la Planche.<br />
3. Représente les deux ensuples d'un métier. Chaque ensuple est un morceau de bois rond depuis a jusqu'en b, & garni dans toute cette étendue d'une lisiere de toile c, qu'on nomme gallon de l'ensuple. Chaque extrémité d de l'ensuple est quarrée, & se nomme tête de l'ensuple. La tête est fendue par deux mortoises ef, qui s'entrecoupent à angles droits. C'est dans ces mortoises qu'on introduit des lattes, lorsqu'on veut tendre un métier, comme on voit b b, fig. 1 de la vignette. La longueur des ensuples n'est point déterminée ; on en fait depuis deux piés jusqu'à six piés de long, & plus s'il étoit nécessaire.<br />
4. Une des lattes propres à tendre le métier ; elle sert à écarter l'une de l'autre les deux ensuples, par le moyen de deux chevilles de fer qu'on introduit dans les trous a b, dont elle est percée. On voit ces chevilles dans le métier tout tendu de la fig. 1. de la vignette, en d d d d.<br />
5. Cheville de fer pour tendre.<br />
6. Aiguille de fer de la longueur de quatre pouces, pour tendre ; elle sert à passer la ficelle dans le gallon dont on a brodé l'étoffe. Voyez e e, fig 1. de la vignette a, est une pelotte de ficelle.<br /></p></blockquote>
<p><em>Description de la planche dans l'encyclopédie</em></p>
<h3>Perspectives</h3>
<p>Cet article est la mise en forme de plusieurs années de recherches sur la broderie historique. Dans le cadre de <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?pages/Un-atelier-de-brodeurs-vers-1200">la reconstitution d'un atelier de brodeurs</a>, il était indispensable, en plus des ouvrages en cours de broderie, de pouvoir proposer un matériel de travail historiquement correct car <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2010/10/12/39-un-atelier-de-brodeurs-vers-1200-les-outils">les outils</a> sont une part importante de l'étude de la culture matérielle et de la pratique de l'histoire vivante.</p>
<p>J'ai tenté de déterminer à partir de quelle époque les métiers à broder ont été utilisés et la forme qu'ils pouvaient avoir. S'il est difficile d'en dater l'apparition, on peut retenir que leur utilisation est bien antérieure aux premières représentations. Quant à leur forme, hormis le fait qu'il s'agit systématiquement de cadres, avant la Renaissance, il reste difficile d'avoir beaucoup de détails. Et il faut attendre le XVIIIe siècle pour avoir les procédures et des techniques précisément décrites. <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1065586m" hreflang="fr">L'art du brodeur</a>, pour cela, est une ressource passionnante.</p>
<p>J'ai fait un <a href="https://pin.it/sejnvvtkg3xzy7" hreflang="fr">tableau Pinterest consacré aux métiers et tambours à broder historiques</a>, que je mettrai à jour au fur et à mesure. Vous y trouverez d'autres représentations de métiers à broder. Bien entendu si une source venait apporter des informations importantes pour cet article, je le mettrai à jour également.</p>
<p>Vous y trouverez également des sources pour les tambours à broder auxquels je consacrerai un article à part entière.</p>
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De la suspension des chausses masculines (XIIe-XVIIe)
urn:md5:e70e086b4b5b0b81ddc963419952d969
2016-01-04T12:55:00+00:00
2023-04-17T14:37:27+01:00
Hémiole
Costumes
Aiguillettes
chausses
doublet
haut-de-chausses
pourpoint
XIVe
XVe
XVI
XVIIe
<blockquote><p>(...) lors commencza le monde de attacher les chausses au pourpoint. Et non le pourpoint aux chausses, car c’est chose contre nature (...). <br /></p></blockquote>
<p><em>Gargantua ; François Rabelais ; 1535.</em></p>
<p>Les <strong>chausses</strong> sont le vêtement qui couvre les jambes. D'abord séparées, en suivant l'évolution de la mode, elles seront de plus en plus hautes et couvrantes et elles finiront par être jointes et couvrir l'entre-jambe pour se transformer finalement en culotte au XVIIe siècle. Elles tiennent par suspension en les attachant grâce à des <em>aiguillettes</em> à un autre vêtement.</p>
<p>Je vous propose une petite rétrospective sur l'évolution des systèmes de suspension.</p>
<p>Dans le but de simplifier cet article, je ne vais m'attarder que sur la description des différents systèmes d'attaches des chausses. Il faut garder en mémoire que toute la population n'a pas abandonné d'un coup un système au profit d'un autre. Lorsque l'on parle de l'adoption du doublet au XIVe siècle et de l'impact qu'il aura sur la fixation des chausses, sa diffusion dans l'ensemble de la société prendra près d'un siècle ... plusieurs modes peuvent cohabiter sur une même période il en va de même pour la suspension des chausses.</p>
<p>Ainsi, je n'ai pas tenté de réaliser une chronologie précise de l'apparition ni de l'abandon de chaque système mais de les décrire pour donner les clés d'interprétation, de sorte que, devant une représentation, vous soyez capable de déterminer facilement par quel(s) moyen(s) les chausses peuvent être tenues.</p>
<p>Enfin, bien que la manière d'attacher les chausses ne puisse pas être considérée indépendamment de leur forme, nous n'allons pas approfondir l'évolution de celle-ci.</p> <h2>Définitions</h2>
<p>Le mot chausses (ou <em>chauce</em>) est attesté depuis 1150. Avant, le terme employé est le latin vulgaire <em>calcea</em> (800), féminin tiré du latin <em>calceus</em>, mot désignant une chaussure d'abord portée par les rois et les patriciens, et probablement d'origine étrusque. Calcea a évolué de bonne heure vers le sens de <q>guêtre couvrant à la fois le pied et la jambe</q>, également attesté par l'italien <em>calza</em> et l'espagnol <em>calza</em>, <q>bas</q><sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/suspension-des-chausses-xii-xviie-siecles#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup>.</p>
<h2>Avant le doublet</h2>
<p>Aux XIIe et XIIIe siècles, les chausses couvrent l'ensemble de la jambe jusqu'à mi-cuisse ou jusqu'en haut de celle-ci.</p>
<p>Tant que la cotte est le vêtement de dessus principal (et même après l'apparition du doublet dans la garde-robe, pour ceux qui portent encore la cotte), les chausses séparées, s'attachent à des cordons fixés au braiel<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/suspension-des-chausses-xii-xviie-siecles#wiki-footnote-2" id="rev-wiki-footnote-2">2</a>]</sup>.</p>
<p>Sur cette représentation de paysans portant uniquement leurs braies, on voit que les cordons pendent du braiel. Ils peuvent servir soit pour remonter le bas des braies soit pour attacher les chausses :</p>
<p><a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/st-germain.jpg" title="st-germain.jpg"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/.st-germain_m.jpg" alt="st-germain.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="st-germain.jpg, déc. 2015" /></a>
<a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84704204" hreflang="fr" title="Martyrologe-Obituaire de Saint-germain-des-Près - BNF">Martyrologe-Obituaire de Saint-Germain-des-Prés ; 1250-1290 ; Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, Latin 12834 ; fol.64v</a>.</p>
<p><a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/vdh-01.png" title="vdh-01.png"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/.vdh-01_m.jpg" alt="vdh-01.png" style="display:table; margin:0 auto;" title="vdh-01.png, déc. 2015" /></a>
<a href="http://classes.bnf.fr/villard/feuillet/" hreflang="fr" title="Le carnet de Villard de Honnecourt">Le carnet de Villard de Honnecourt</a> ; Folio 28 - Lutteurs ; BNF.</p>
<p>Sur ce dessin de Villard de Honnecourt représentant 2 lutteurs, on remarque que le cordon est attaché à une sorte de <em>bouton</em> dans la pointe de la chausse. Ce <em>bouton</em> est probablement une sphère (ou une perle) en bois attachée sur l'arrière de la chausse. Le nœud est réalisé <strong>sur l'endroit</strong> en passant le cordon, autour de la<strong> boule ainsi formée par la sphère et le tissu</strong>. Ce système permet d'éviter de fragiliser la pointe de la chausse en passant le cordon au travers d'un œillet.</p>
<p>Même représentation au XIVe siècle sur une des planches du traité d'anatomie de Guido da Vigevano :</p>
<p><a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/Guido_de_Vigevano<strong>miniature_anatomical_figures</strong>1345_Wellcome_M0007587EB.jpg" title="Guido de Vigevano, miniature anatomical figures, 1345"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/.Guido_de_Vigevano__miniature_anatomical_figures__1345_Wellcome_M0007587EB_m.jpg" alt="Guido de Vigevano, miniature anatomical figures, 1345" style="display:table; margin:0 auto;" title="Guido de Vigevano, miniature anatomical figures, 1345, déc. 2015" /></a>
Anathomia Designata per Figures ; Guido da Vigevano ; 1345.</p>
<p>Enfin, pour illustrer la persistance de ce système (chausses séparées attachées sur l'avant aux braies), une enluminure datée 1440 représentant St Sébastien :</p>
<p><a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/cleeves-01.png" title="cleeves-01.png"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/.cleeves-01_m.jpg" alt="cleeves-01.png" style="display:table; margin:0 auto;" title="cleeves-01.png, déc. 2015" /></a>
<a href="http://www.themorgan.org/collection/Hours-of-Catherine-of-Cleves" hreflang="en" title="Livre d'heures de catherine de Cleves - The Morgan Library">Livre d'heures de Catherine de Cleves ; MS M.917, pp. 252–253 ; 1440 ; Hollande.</a></p>
<h2>L'apparition du doublet</h2>
<p>Avec la diffusion du doublet au cours du XIVe siècle, l'adoption de vêtements très ajustés et le raccourcissement du vêtement de dessus dans la garde-robe masculine, la forme des chausses va évoluer. En effet, les chausses séparées montant jusqu'en haut des cuisses ont posé un certain nombre de problèmes de pudeur dont le ridicule nous a été transmit par les chroniqueurs de l'époque <sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/suspension-des-chausses-xii-xviie-siecles#wiki-footnote-3" id="rev-wiki-footnote-3">3</a>]</sup>.</p>
<p><a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/Lo_scheggia<strong>desco_col_gioco_del_civettino</strong>1450_ca._01.JPG" title="Lo_scheggia<strong>desco_col_gioco_del_civettino</strong>1450_ca._01.JPG"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/.Lo_scheggia__desco_col_gioco_del_civettino__1450_ca._01_m.jpg" alt="Lo_scheggia__desco_col_gioco_del_civettino__1450_ca._01.JPG" style="display:table; margin:0 auto;" title="Lo_scheggia__desco_col_gioco_del_civettino__1450_ca._01.JPG, déc. 2015" /></a>
Jeu du civettino ; Lo Scheggia ; 1450 ; Palazzo DDavanzati, Florence.</p>
<p>Les chausses vont d'abord se faire plus longues et plus couvrantes tout en restant séparées.</p>
<p>On a la chance d'avoir un exemple exceptionnel de doublet de la fin du XIVe siècle, suffisamment bien conservé pour nous indiquer comment attacher les chausses : des languettes de lin sont cousues à l'intérieur du pourpoint : <q>Les attaches de chausses sont réalisées à partir d'une étoffe de lin en forme de trapèze. Deux languettes de 10 centimètres y sont découpées et retournées sur elles-mêmes pour former un cordon</q><sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/suspension-des-chausses-xii-xviie-siecles#wiki-footnote-4" id="rev-wiki-footnote-4">4</a>]</sup>.</p>
<p><a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/cdb-2.jpeg" title="cdb-2.jpeg"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/.cdb-2_m.jpg" alt="cdb-2.jpeg" style="display:table; margin:0 auto;" title="cdb-2.jpeg, déc. 2015" /></a>
Pourpoint de Charles de Blois, 1364, conservé au Musée des Tissus de Lyon.</p>
<p>Sous le vêtement moulant qu'est le doublet, pas question de nouer les cordons sur une boule rigide. Les languettes sont passée dans des œillets , brodés par paire sur le haut des chausses. On compte 8 attaches qui permettent de fixer les chausses sur tout le tour de la taille. Ce n'est qu'à l'entre-jambe que les chausses ne couvrent pas le porteur.</p>
<h2>Les chausses jointes ou chausses à plain-fond</h2>
<p>Au XVe siècle, le problème d'attentat à la pudeur est (en partie) résolu en cousant les deux jambes ensembles, pour former des <em>chausses jointes</em> ou <em>chausses à plain-fond</em> (ou <em>plein-fond</em> selon la graphie employée).</p>
<p>Les chausses s'attachent alors au pourpoint mais sur le bas des basques<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/suspension-des-chausses-xii-xviie-siecles#wiki-footnote-5" id="rev-wiki-footnote-5">5</a>]</sup> grâce à des aiguillettes passées dans des séries d’œillets disposés par 2 sur le bas du doublet et sur le haut des chausses.</p>
<p><a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/othon.png" title="othon.png"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/.othon_m.jpg" alt="othon.png" style="display:table; margin:0 auto;" title="othon.png, déc. 2015" /></a>
Dirk Bouts : La justice de l'empereur Otton : Le supplice du comte innocent, détail ; (ca. 1473-1475) ; Musées royaux des beaux art de Belgique, Musée d'art ancien.</p>
<p>Les aiguillettes sont d'abord passées dans les chausses puis dans le doublet. Les chausses sont portées en dessous.</p>
<p>Lorsque les mouvements étaient gênés par ce système contraignant, notamment pour les travaux physiques, certaines aiguillettes voire toutes pouvaient être détachées.</p>
<h2>La renaissance (XVIe et XVIIe siècles)</h2>
<p>Au cours de la renaissance, la forme du pourpoint va souvent changer. Que se soit sur la forme des basques (longues et amples ou absentes. Cousues entre elles ou bien indépendantes) ou sur l'emplacement de la ligne de taille (tantôt placée bas sur le ventre, tantôt placée au dessus des côtes).</p>
<p>Les chausses vont également subir une évolution notable, puisqu'elles vont se séparer en 2 parties : les <em>haut-de-chausses</em><sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/suspension-des-chausses-xii-xviie-siecles#wiki-footnote-6" id="rev-wiki-footnote-6">6</a>]</sup> et les <em>bas-de-chausses</em> (ou simplement chausses). Ce sont évidemment les haut-de-chausses qui s'attachent au pourpoint.</p>
<p>Leur forme également va varier : d'abord courts et bouffants, puis plus longs et droits jusqu'aux volumineuses rhingraves<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/suspension-des-chausses-xii-xviie-siecles#wiki-footnote-7" id="rev-wiki-footnote-7">7</a>]</sup>.</p>
<p>La seule constante dans toutes ces variations, c'est que les haut-de-chausses et le pourpoint continueront à être attachés ensemble jusqu'au moment où les hauts-de-chausses seront remplacés par la <em>culotte</em> à partir de 1670. En ce qui concerne la fixation des haut-de-chausses, on peut dégager plusieurs tendances qui coexistent jusqu'à la fin de l'usage des haut-de-chausses fixés au pourpoint.</p>
<h3>Fixation visible</h3>
<p>Dans la même veine que sur les pourpoint XVe, les pourpoints au début de la renaissance vont avoir un système d'attache traversant sur le doublet. La différence notable est qu'au lieu d'être située sur le bas du pourpoint (et donc le bas des basques) la ligne d’œillets va être placée au niveau de la taille.</p>
<h5>Pourpoint à basques très courtes ou sans basque</h5>
<p>Certains pourpoints du XVIe siècle (du début jusqu'au 3ème tiers) sont dépourvus de basques : ils s'arrêtent à la ligne de taille ou vont présenter une bande sous la ligne de taille juste assez large pour supporter les œillets qui serviront à attacher les chausses.</p>
<p><a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/cranach.png" title="cranach.png"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/.cranach_m.jpg" alt="cranach.png" style="display:table; margin:0 auto;" title="cranach.png, déc. 2015" /></a>
Le martyr de Ste Catherine, détail, Lucas Cranach l'ancien, 1508.</p>
<h5>Les rubans décoratifs</h5>
<p>On retrouve ce système d’œillets traversant dans les basques longues et détachées les unes des autres des formes caractéristiques du XVIIe siècle.</p>
<p><a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/2011EV8033_2500.jpg" title="2011EV8033_2500.jpg"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/.2011EV8033_2500_m.jpg" alt="2011EV8033_2500.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="2011EV8033_2500.jpg, janv. 2016" /></a>
<a href="http://collections.vam.ac.uk/item/O137746/doublet-unknown/" hreflang="en" title="Doublet, V&A">Doublet, 1625, 1630 ; Italie ; V&A.</a>.</p>
<p>Vers la fin du XVIe siècle les aiguillettes deviennent un élément décoratif à part entière jusqu'à la mode consistant à faire de grands nœuds de larges rubans.</p>
<p><a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/2009BY0321_2500.jpg" title="2009BY0321_2500.jpg"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/.2009BY0321_2500_m.jpg" alt="2009BY0321_2500.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="2009BY0321_2500.jpg, déc. 2015" /></a>
<a href="http://collections.vam.ac.uk/item/O115878/suit-unknown/" hreflang="en" title="Pourpoint et chausses, V&A">Pourpoint et haut-de-chausses, Angleterre, 1635-1640, V&A.</a></p>
<p>Les rubans se multiplieront comme élément de décoration avec la mode des rhingrave mais ce système a été porté sur des haut-de-chausses droits également. Sur certains pourpoints, les rubans décoratifs ne serviront plus à fixer les chausses et seront attachés à des brides cousues sur l'endroit du vêtement.
<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/rubans-03.jpg" title="rubans-03.jpg"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/rubans-03.jpg" alt="rubans-03.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="rubans-03.jpg, janv. 2016" /></a>
<a href="http://www.metmuseum.org/collection/the-collection-online/search/83202" hreflang="en" title="Doublet 1580">Doublet en soie ; 1580 ; The Metropolitan Museum of Art</a>.</p>
<h3>La fixation intérieure</h3>
<p><a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/800px-Charles_IX_par_Clouet_Louvre.jpg" title="800px-Charles_IX_par_Clouet_Louvre.jpg"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/.800px-Charles_IX_par_Clouet_Louvre_m.jpg" alt="800px-Charles_IX_par_Clouet_Louvre.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="800px-Charles_IX_par_Clouet_Louvre.jpg, déc. 2015" /></a>
Portrait de Charles IX, roi de France (1550-1574) ; François Clouet ; 1566 ; Musée du Louvre.</p>
<p>Sur les pourpoints à basque longues du XVIe siècle, on ne voit souvent aucun système d'attache de l'extérieur. Certains vêtements conservés nous révèlent que les haut-de-chausses n'étaient pas indépendants pour autant, en effet, une ceinture rapportée sur l'intérieur du pourpoint, au niveau de la taille, percée d’œillets, permettait d'attacher les haut-de-chausses avec des aiguillettes.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/.sture_m.jpg" alt="sture.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="sture.jpg, déc. 2015" />
Pourpoint de Svante Sture (1567), détail. Janet Arnold Patterns of fashion 3 ; Macmillan ; 1985.<br />
Détail de la bande de lin cousue à l'intérieur du pourpoint sur la ligne de taille avec des œillets brodés par 2.</p>
<p>A partir de 1630, les haut-de-chausses sont quasiment indépendants, comme le seront les culottes de la fin du siècle.</p>
<p>Cependant avec la mode des pourpoints à la ligne de taille très haute et des basques séparées, il faut faire tenir les hauts de chausses bien plus haut que sur les hanches (voire même que la taille naturelle). Des système mélangeant œillets et crochets métalliques permettent de tenir les hauts de chausses sur la ligne de taille du pourpoint. Ces systèmes ne font pas nécessairement tout le tour de la taille. On peut trouver simplement 3 crochets de chaque côté pour maintenir les hauts de chausses à la bonne hauteur.</p>
<p><a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/2012FE3161_2500.jpg" title="2012FE3161_2500.jpg"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/.2012FE3161_2500_m.jpg" alt="2012FE3161_2500.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="2012FE3161_2500.jpg, déc. 2015" /></a>
<a href="http://collections.vam.ac.uk/item/O361531/doublet-and-breeches-unknown/" hreflang="en" title="Pourpoint et chausses, V&A">Pourpoint et haut-de-chausses d'enfant, Angleterre, 1640, V&A.</a></p>
<p>A la fin du XVIIe siècle (vers 1680), le costume masculin se composera non plus d'un pourpoint et haut-de-chausses mais d'un <em>justaucorps</em> et d'une <em>culotte</em>. Bien que la culotte semble directement dérivée des haut-de-chausses <sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/suspension-des-chausses-xii-xviie-siecles#wiki-footnote-8" id="rev-wiki-footnote-8">8</a>]</sup>, cet ensemble sonne le glas du lien physique entre chausses et pourpoint : la culotte est indépendante.</p>
<h2>Petite curiosité</h2>
<p>Terminons cet article par deux représentations particulières de chausses attachées par dessus le pourpoint.</p>
<p><a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/8herac15.jpg" title="8herac15.jpg"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/.8herac15_m.jpg" alt="8herac15.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="8herac15.jpg, janv. 2016" /></a>
Bataille entre Héraclius et Chosroès (détail) ; 1452-66 ; fresque ; Piero della Francesca</p>
<p><a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/Visconti-Sforza_tarot_deck._The_Hanged_Man.jpg" title="Visconti-Sforza_tarot_deck._The_Hanged_Man.jpg"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chausses/attaches/.Visconti-Sforza_tarot_deck._The_Hanged_Man_m.jpg" alt="Visconti-Sforza_tarot_deck._The_Hanged_Man.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="Visconti-Sforza_tarot_deck._The_Hanged_Man.jpg, janv. 2016" /></a>
<a href="http://www.themorgan.org/collection/tarot-cards/the-hanged-man" hreflang="en" title="visconti-sforza Tarot">Le pendu ; Tarot de Visconti-Sforza ; Morgan Library ; 1450–1480.</a></p>
<p>Sur ces deux images du XVe siècle, les personnages représentés sont un infidèle Sassanide<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/suspension-des-chausses-xii-xviie-siecles#wiki-footnote-9" id="rev-wiki-footnote-9">9</a>]</sup> pour la première et le pendu du tarot. Cette manière d'attacher les chausses par dessus le doublet est probablement uniquement symbolique. Est-ce à ça que faisait allusion Rabelais 100 ans plus tard ?</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/suspension-des-chausses-xii-xviie-siecles#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] Rey, Aain, Dictionnaire historique de la langue française.</p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/suspension-des-chausses-xii-xviie-siecles#rev-wiki-footnote-2" id="wiki-footnote-2">2</a>] ceinture qui permet de tenir les braies, possiblement en cuir si l'ont s'en tient à la description des fabricants de braiels dans le <a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k110190t" hreflang="fr" title="Livre des métiers - BNF">Livre des Métiers d'Etienne Boileau</a>.</p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/suspension-des-chausses-xii-xviie-siecles#rev-wiki-footnote-3" id="wiki-footnote-3">3</a>] Newton, Stella Mary, Fashion in the age of the Black Prince, Boydell & Brewer Ltd, 1080.</p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/suspension-des-chausses-xii-xviie-siecles#rev-wiki-footnote-4" id="wiki-footnote-4">4</a>] Schoefer, Marie, Le Pourpoint de Charles de Blois, remarques faites au cours de sa restauration, Histoire et images Médiévales thématique n°6, 2006.</p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/suspension-des-chausses-xii-xviie-siecles#rev-wiki-footnote-5" id="wiki-footnote-5">5</a>] partie rapportée située sous la ligne de taille.</p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/suspension-des-chausses-xii-xviie-siecles#rev-wiki-footnote-6" id="wiki-footnote-6">6</a>] Le terme apparaît sous la forme <em>hault de chausses</em> dans le <em>Quart Livre</em> de François Rabelais, 1548 : <q>pour te faire un hault de chausses, & nouvelle braguette</q> et dans ''Les essais, Livre I, chapitre XXXI, des Cannibales, Michel de Montaigne, 1595 : <q>Tout cela ne va pas trop mal : mais quoy, ils ne portent point de haut de chausses</q> (en parlant des sauvages).</p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/suspension-des-chausses-xii-xviie-siecles#rev-wiki-footnote-7" id="wiki-footnote-7">7</a>] Haut-de-chausses larges et flottantes qui ressemble à une jupe.</p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/suspension-des-chausses-xii-xviie-siecles#rev-wiki-footnote-8" id="wiki-footnote-8">8</a>] plusieurs inventaires parlent de hauts-de-chausses en forme de culotte, Micheline Baulant, Jalons pour une histoire du costume commun, L'exemple de Meaux (1590-1670), Histoire & mesure, XVI - 1/2, 2001.</p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/suspension-des-chausses-xii-xviie-siecles#rev-wiki-footnote-9" id="wiki-footnote-9">9</a>] La bataille d'Héraclius contre Chrosoès fait partie de la croisade pour la reconquête de la relique de la vraie croix.</p></div>
Un costume de bourgeoise vers 1490
urn:md5:3274dfdc4f858cfa1f0ea4867667cee4
2015-03-17T10:03:00+00:00
2023-04-17T14:38:17+01:00
Hémiole
Costumes
chemise
coiffe
cotte
Dürer
gefrens
postiche
XVe
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/robe-1490/.robe-01_s.jpg" alt="robe-01.JPG" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" title="robe-01.JPG, mar. 2015" /></p>
<p>Le costume présenté est celui d'une bourgeoise allemande à la fin du XVe siècle d'après un tableau et une gravure d'Albrecht Dürer. Cependant, ce type de vêtement est couramment représenté dans les tableaux et enluminures germanique de la fin du XVe siècle et du début du XVIe siècle.</p> <p><a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/robe-1490/sources/durer.WomanWithHerhairUp1.1496-98_AD-MGApl50_.jpg" title="durer.WomanWithHerhairUp1.1496-98_AD-MGApl50_.jpg"><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/robe-1490/sources/.durer.WomanWithHerhairUp1.1496-98_AD-MGApl50__m.jpg" alt="durer.WomanWithHerhairUp1.1496-98_AD-MGApl50_.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="durer.WomanWithHerhairUp1.1496-98_AD-MGApl50_.jpg, avr. 2013" /></a>
<em>Albrecht Dürer ; Portrait de femme aux cheveux relevés ; 1496-1498 ; Huile sur toile, 56,5 x 42,5 cm. Staatliche Museen zu Berlin, Berlin.</em></p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/robe-1490/sources/.Mss.h.h.I.3-f58_m.jpg" alt="Mss.h.h.I.3-f58.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="Mss.h.h.I.3-f58.jpg, mar. 2015" />
<em> Amtliche Berner Chronik, vol. 3 ; Bern, Burgerbibliothek, Mss.h.h.I.3 ; fol.58 ; Berne · 1478-1483</em></p>
<h2>Sous vêtements</h2>
<h3>Chemise</h3>
<p>La chemise est réalisé dans une toile de lin fin. Cette chemise, très ample, et largement froncée au col et aux poignets présente déjà une des formes spécifique aux chemises de la renaissance.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/robe-1490/chemise-02.JPG" alt="chemise-02.JPG" style="display:table; margin:0 auto;" title="chemise-02.JPG, mar. 2015" /></p>
<h2>Robe</h2>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/robe-1490/robe-02.JPG" alt="robe-02.JPG" style="display:table; margin:0 auto;" title="robe-02.JPG, mar. 2015" /></p>
<p>La cotte est réalisé dans un drap de laine orangé, tissé en sergé 2/2. Elle est réalisée en 2 parties devant et derrière qui s'évasent à partir de la taille. Deux godets devant et derrière ajoute encore de l'ampleur.</p>
<p>Ces deux godets, qui démarrent sous la poitrine sont plissés et renforcés de cordes jusqu'à la taille. La corde permet de conserver le volume des plis et de renforcer cette partie.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/robe-1490/.plis_m.jpg" alt="plis.JPG" style="display:table; margin:0 auto;" title="plis.JPG, mar. 2015" /></p>
<p>La cotte est fermée sur le devant par un lacet en soie<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/Un-costume-de-femme-vers-1490#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup> passant dans des crochets métalliques<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/Un-costume-de-femme-vers-1490#wiki-footnote-2" id="rev-wiki-footnote-2">2</a>]</sup>.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/robe-1490/.crochets_m.jpg" alt="crochets.JPG" style="display:table; margin:0 auto;" title="crochets.JPG, mar. 2015" /></p>
<p>Le décolleté est très profond et en pointe. Deux boutons<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/Un-costume-de-femme-vers-1490#wiki-footnote-3" id="rev-wiki-footnote-3">3</a>]</sup> en métal sont cousus sur le haut du décolleté et permettent au moyen d'un lacet de le retenir lorsque la cotte n'est pas fermée bord à bord (comme sur bon nombre de représentations de ce genre de cotte).</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/robe-1490/.boutons_m.jpg" alt="boutons.JPG" style="display:table; margin:0 auto;" title="boutons.JPG, mar. 2015" /></p>
<p>Les manches ont des emmanchures très serrée. Elles sont fendues sur l'arrière sur presque toute la longueur et une série d’aiguillettes passées dans des œillets permet de les maintenir fermées tout en laissant apparaître les manches amples de la chemise.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/robe-1490/robe-01.JPG" alt="robe-01.JPG" style="display:table; margin:0 auto;" title="robe-01.JPG, mar. 2015" /></p>
<h2>Coiffe et coiffure</h2>
<h3>Coiffure</h3>
<p>La coiffure est réalisée sur une base de tresses remontées de chaque côté sur les oreilles. Sans postiche, cette coiffure est bien moins imposante que celle du tableau de Dürer, mais certaines enluminures nous montrent cette coiffure réalisée sans doutes avec seulement les <em>vrais</em>cheveux.</p>
<p>Pour agrémenter la coiffure, un galon de soie, tissé aux tablettes est ajouté. Ce galon présente une sorte de <em>frange</em> sur l'arrière (portée sur la nuque). Cette coiffure est appelée <em>gefrens</em><sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/Un-costume-de-femme-vers-1490#wiki-footnote-4" id="rev-wiki-footnote-4">4</a>]</sup>.</p>
<p>Un postiche et un voile sont en préparation.</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/Un-costume-de-femme-vers-1490#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] Cordonnet de soie teinté à la garance :<a href="http://www.atelierdemicky.com/index.php" hreflang="fr"> l'Atelier de Micky</a></p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/Un-costume-de-femme-vers-1490#rev-wiki-footnote-2" id="wiki-footnote-2">2</a>] Crochets fabriqués par <a href="http://www.labortemporis.com/">Labor temporis</a></p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/Un-costume-de-femme-vers-1490#rev-wiki-footnote-3" id="wiki-footnote-3">3</a>] Boutons fabriqués par <a href="http://www.labortemporis.com/">Labor temporis</a></p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/Un-costume-de-femme-vers-1490#rev-wiki-footnote-4" id="wiki-footnote-4">4</a>] Ce terme semble être un terme spécifique Allemand du moyen âge, si quelqu'un connait un équivalent français ou une traduction possible, n'hésitez pas à m'en faire part !</p></div>
L'embu : de la 3D dans l'art du tailleur médiéval
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2014-11-21T09:50:00+00:00
2023-04-17T14:38:43+01:00
Hémiole
Techniques
Charles de Blois
Herjolfnes
Kragelund
XIe
XIVe
XVe
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/embu/.embu_m.jpg" alt="embu.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="embu.jpg, nov. 2014" />
Fig 1 : La tunique de Kragelund (Viborg, 1045-1155) et le pourpoint de Charles de Blois (Musée des tissus de Lyon, 1364). Deux vêtements très différents avec 300 ans d'écart qui ont pourtant une technique en commun.
J'ai déjà parlé de l'embu à différentes reprises dans <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2010/10/08/44-les-dessous-d-une-cotte">mes articles évoquant la tunique 11ème</a>.</p> <h2>Définition</h2>
<p>Pour rappel, l'embu définit une longueur supplémentaire ajoutée à une couture d'assemblage : lorsque l'on assemble deux tissus dont l'un est plus long que l'autre sans faire de plis ni de fronces. Il doit être absorbé dans la couture et résorbé au fer à repasser. Aujourd'hui, l'embu est utilisé par les tailleurs sur les têtes de manche : la longueur de la tête de manche doit être plus longue de quelques centimètres que celle de l'emmanchure. Ça permet de créer le bombé naturel du bras.</p>
<p>Cette différence de longueur va permettre de créer du volume dans le vêtement.</p>
<p>Certains couturiers peuvent être confrontés à l'embu de manière fortuite et malheureuse lorsque, par exemple, on coud deux pans dont un dans le droit fil et un dans le biais et que l'on ne prend pas garde à ne pas étirer le biais lors de l'assemblage. Dans ce cas, si l'embu n'est pas résorbable au fer, il faut recommencer la couture !</p>
<h2>L'embu dans la construction de vêtements médiévaux</h2>
<p>Revenons à nos deux vêtements médiévaux. L'embu dans ces deux cas, n'est pas situé au niveau de la tête de manche (les têtes de manches de ces deux vêtements sont quasiment droites) mais au niveau du coude, créant ainsi l'aisance nécessaire pour loger l'articulation et couder la manche de manière plus ou moins prononcée.</p>
<h3>La tunique de Kragelund</h3>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/embu/.kragelund-1_m.jpg" alt="kragelund-1.JPG" style="display:table; margin:0 auto;" title="kragelund-1.JPG, nov. 2014" />
Fig. 2 : La tunique de Kragelund. Elle semble être une simple tunique dite en « T » ne présentant que des pièces géométriques simples et pourtant l'étude de sa construction révèle un détail intéressant.</p>
<p>Dans le cas de la tunique de Kragelund, il est créé grâce à un godet ayant la forme d'un triangle rectangle ajouté au niveau de l'avant bras. Un petit rappel de géométrie de niveau collège, avec le théorème de Pythagore, nous indique que l’hypoténuse est toujours plus longue que chacun des deux autre côtés. Nous allons donc avoir une mesure plus longue que l'autre au niveau de l'avant bras qui va créer une sorte de poche : la manche ne peut pas se mettre à plat.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/embu/.kragelun-2_m.jpg" alt="kragelun-2.JPG" style="display:table; margin:0 auto;" title="kragelun-2.JPG, nov. 2014" />
Fig. 3 : Schéma de la manche de la tunique. En rouge, l’hypoténuse du godet de la manche qui créée l'embu.
(Attention : ces schémas ne sont pas des patrons reproductibles par agrandissement homothétique).</p>
<h3>Le Pourpoint de Charles de Blois</h3>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/embu/.cdb-1_m.jpg" alt="cdb-1.JPG" style="display:table; margin:0 auto;" title="cdb-1.JPG, nov. 2014" />
Fig. 4 : Le pourpoint de Charles de Blois. Vêtement élaboré avec un bel exemple de manches dites « à grandes assiettes ». Ici, c'est le coude qui nous intéresse. (Musée des tissus de Lyon)</p>
<p>En ce qui concerne le pourpoint de Charles de Blois, l'embu se situe dans une couture horizontale au dessus du coude. Le bas de la partie de l'avant bras est légèrement courbé vers l'intérieur tandis que le haut de l'avant-bras est très creusé. Les deux parties n'ont pas la même longueur, nous avons donc un embu. Celui-ci crée un volume au niveau du coude.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/embu/.cdb-2_m.jpg" alt="cdb-2.JPG" style="display:table; margin:0 auto;" title="cdb-2.JPG, nov. 2014" />
Fig.5 : Schéma du coude de la manche du pourpoint de Charles de Blois. La courbe de la couture horizontale du coude étant plus marquée sur la partie basse, la longueur est plus longue et va créer l'embu (en rouge).
(Attention : ces schémas ne sont pas des patrons reproductibles par agrandissement homothétique).</p>
<p>Si ces deux vêtements ont un embu très marqué et évident, ils ne sont pas les seuls vêtements de l'époque médiévale qui nous soient parvenus qui présentent cette caractéristique.</p>
<h3>Autres exemples : les fouilles d'Herjolfnes</h3>
<p>En effet, dans les fouilles du Groenland, certaines manches sont asymétriques. C'est cette asymétrie qui va créer la différence de longueur entre les deux côtés de la manche et donner un rendu 3D à la manche (ces manches ne peuvent pas se mettre à plat).</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/embu/.norlund-42-1_m.jpg" alt="norlund-42-1.JPG" style="display:table; margin:0 auto;" title="norlund-42-1.JPG, nov. 2014" />
Fig. 6 : La tunique Norlund n°42</p>
<p>Pour exemple, la tunique Norlund n°42, datée 1380-1400 présente une manche asymétrique : un côté de la manche est coupé droit, tandis que l'autre présente une cassure au niveau du coude. La manche, une fois montée, va présenter une légère poche au niveau du coude et sera légèrement coudée.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/embu/.norlun-42-2_m.jpg" alt="norlun-42-2.JPG" style="display:table; margin:0 auto;" title="norlun-42-2.JPG, nov. 2014" />
Fig. 7 : Schéma de la manche de la tunique Norlund n°42 : la cassure de la manche va ajouter une longueur supplémentaire d'un côté de la couture et créer l'embu. Si La différence de longueur est à peine perceptible à cette échelle, la différence est bien présente sur la manche aux bonnes dimensions.
(Attention : ces schémas ne sont pas des patrons reproductibles par agrandissement homothétique).</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/embu/.norlund-63_m.jpg" alt="norlund-63.JPG" style="display:table; margin:0 auto;" title="norlund-63.JPG, nov. 2014" />
Fig. 8 : La tunique Norlund n°63. Un manteau ouvert sur le devant.</p>
<p>La tunique Norlund n°63, datée 1280-1400, présente le même godet de manche que la tunique de Kragelund.</p>
<h2>Conclusion</h2>
<p>Du vêtement apparemment le plus simple à celui le plus élaboré, on a comme dénominateur commun l'utilisation d'une technique de couture, l'embu, utilisé afin de donner au vêtement ampleur et volume. Ceci nous rappelle que, tout au long du moyen-âge, la coupe et la couture ne sont pas aussi frustres que ce que l'on peu penser, y compris sur les vêtements d'apparence la plus ordinaire.</p>
<h2>Bibliographie</h2>
<p>Else Ostergard, woven into the earth, Textiles from norse Greenland, Aarhusuniversity press 2004.<br />
Marie Schoefer, Le pourpoint de Charles de Blois, Remarques faites au cours de sa restauration, Histoire et images Médiévales thématique n°6, 2006.</p>
Les mots du chaperon
urn:md5:83bc6d5176830cc59acff271041596be
2012-01-04T10:58:00+00:00
2023-04-17T14:40:35+00:00
Hémiole
Techniques
chaperon
XIIIe
XIVe
XVe
<p>Le chaperon qui fait son apparition au XIIe siècle pour devenir un véritable accessoire de mode aux XIVe et XVe siècle varie fortement dans sa forme et ses caractéristiques principales durant toute cette période.</p>
<p>Mais avant de vouloir faire une histoire de la mode du chaperon, il semble nécessaire (comme pour tout sujet) de définir les mots qui permettront de décrire ce vêtement. La littérature à ce sujet existe mais on oublie parfois de s'y référer.</p>
<p>Voici donc <strong>les mots du chaperon</strong>, une radiographie en 3D de ce couvre-chef !</p>
<p>Une <em>suite</em> à cet article, sur l'histoire du chaperon est paru dans le magasine Moyen âge n°89.</p> <h3>Les mots : définition des différents élément caractérisant le chaperon</h3>
<h4>Cornette, visagière, guleron, goule, têtière</h4>
<p>Pour résumer, Elena Rozoumniak décrit le chaperon comme suit :</p>
<blockquote><p>Le chaperon est composé de plusieurs parties qui reçoivent chacune un nom : la pointe du chaperon s'appelle <strong>cornette</strong>, son ouverture <strong>visagière</strong> et son encolure <strong>goulée</strong> (ou <strong>guleron</strong>).</p></blockquote>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chaperon/chaperon-trait-texte.jpg" alt="" /><br />
<em>Les termes permettant de décrire un chaperon</em></p>
<p>Adrien Harmand utilise également ces termes et évoque également la <strong>têtière</strong> : partie principale du chaperon et les <strong>oreillettes</strong> : côtés en pointe de la visagière lorsque le chaperon est ouvert sur l'avant (voir plus bas, visagière et guleron).</p>
<h4>Le cas du Liripipe, liripipion, liripide.</h4>
<p>Le terme anglais pour désigner la cornette est <em>liripipe</em>. Le mot est souvent employé en français pour désigner la cornette, avec différentes orthographes, formes: <em>liripide</em>, <em>liripipion</em>, <em>liripipe</em> ... mais la littérature en français sur le costume médiéval semble utiliser exclusivement le mot cornette. Alors le liripipe, <strong>un faux ami</strong> ?</p>
<h3>Les types : variation des formes.</h3>
<h4>La cornette</h4>
<p><em>À l'origine de la cornette il n'y en a pas !</em> D'après Adrien Harmand voici l'origine de ce terme :</p>
<blockquote><p>Il y eut encore des chaperons qui ne possédaient pour toute cornette que la pointe de leurs capuchons. Les premiers chaperons du douzième siècle avaient été de cette sorte. Lorsqu'ils étaient enformés, la pointe du capuchon prenait l'aspect d'une petite corne, d'où le nom de cornette donnée à cette pointe qui fut l'origine de toutes les cornettes de chaperons.</p></blockquote>
<p>On trouve effectivement des chaperons sans cornettes qui présentent une petite pointe vers l'arrière : pointe formée par l'angle de la têtière.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chaperon/_KYN3412.jpg" alt="" /><br />
<em>Chaperon XIIIe sans cornette ajoutée. On note la petite corne qui se forme en hauteur. La visagière large est repliée. Le guleron est fendu sur l'avant.</em></p>
<p>Les cornettes des chaperons retrouvés au Groenland mesurent entre 40 et 87cm pour ceux qui l'on conservée. Elles sont coupées séparément et cousues, parfois à la base de la têtière, parfois à quelques centimètres, un départ de cornette étant coupé d'une pièce avec la têtière.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chaperon/_KYN3424.jpg" alt="" /><br />
<em>Chaperon XIVe à longue cornette ajoutée, passée dans la ceinture lorsque le chaperon est porté autour du cou. Un large gousset est ajouté sur l'arrière pour donner l'aisance.</em></p>
<h4>La visagière</h4>
<p>La visagière est également un élément qui varie selon la mode et la façon de porter le chaperon.
Les visagières des chaperons fermés peuvent être amples ou serrées sur le visage.</p>
<p>La visagière ample permet de plier les rabats de différentes façons autour du visage et également de passer la tête dans le chaperon tout ne se décoiffant pas (pour une femme portant coiffe sous le chaperon, le passage de la capuche peut être extrêmement pénible si le chaperon est trop serré).</p>
<p>Une visagière resserrée offre une meilleure protection au froid, de plus, lorsque la mode sera de porter le chaperon en bonnet pour les hommes, il deviendra nécessaire que la visagière soit suffisamment petite pour tenir sur le haut du crâne.</p>
<p>Les visagières des chaperons ouverts (qu'on trouve au XIVe et au XVe siècles) peuvent présenter de très grands rabats plus ou moins rigides qui forment ce qu'Harmand appelle des <strong>oreillettes</strong> autour du visage.</p>
<h4>Le guleron</h4>
<p>L'ensemble de ces chaperons présentent un ou plusieurs goussets d'aisance situés devant, devant et derrière ou de chaque côté. Ces goussets permettent d'ajouter de l'aisance tout en économisant le tissu (ce qui est généralement le but d'insérer un gousset).</p>
<p>Else Østergård distingue 2 types de chaperons :</p>
<ul>
<li>Le premier type a un guleron large et long très couvrant (with shoulder capes). Les chaperons de ce groupe ont un guleron assez simple avec un simple gousset ajouté devant ou derrière.</li>
</ul>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chaperon/_KYN3430.jpg" alt="" /><br />
<em>Chaperon XIVe à guleron couvrant avec goussets ajoutés devant et derrière.</em></p>
<ul>
<li>Le second type a un guleron plus court, ne dépassant pas les épaules. Les goussets sont insérés sur les côtés pour ajoutés de l'ampleur mais ces goussets ont des hauteurs comprises entre 8 et 15cm, ce qui tendrait à montrer que le guleron ne couvrait probablement pas totalement les épaules.</li>
</ul>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chaperon/_KYN3410.jpg" alt="" /><br />
<em>Chaperon XIIIe à goussets ajoutés sur les côtés. Le guleron ne couvre pas les épaules en totalité.</em></p>
<p>Un autre type de guleron est identifiable lorsque l'on regarde l'iconographie du chaperon : les chaperons ouvert sur le devant. Bien que plutôt féminins, ces chaperons s'observent sur les hommes dans les enluminures du XIVe siècle. Il en existe 2 types :</p>
<ul>
<li>Le premier sont des chaperons qui se ferment grâce à des boutons et des boutonnières ou des brides selon le cas.</li>
</ul>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chaperon/_KYN3440.jpg" alt="" /><br />
<em>Chaperon féminin XIVe à guleron ouvert se fermant par une série de boutons en tissu. Les oreillettes formées par la visagière laissent voir la doublure de couleur contrastante.</em></p>
<ul>
<li>Le second, très ouvert est le chaperon féminin typique du XVe siècle qu'il est impossible de fermer sur le devant.</li>
</ul>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/chaperon/_KYN3443.jpg" alt="" /><br />
<em>Chaperon féminin XVe ouvert sur le devant. Les oreillettes sont très prononcées sur ce modèle qui ne se ferme pas.</em></p>
<p>A certaines époques le guleron peut présenter des décorations importantes : broderies, découpes en lambrequin ds formes et de longueurs variées.</p>
<h4>La têtière</h4>
<p>Pour déterminer les différentes formes que peut prendre la têtière il faut se plonger dans les chaperons retrouvés au Groenland qui nous offre un corpus de 4 chaperons du type 1 et 10 chaperons du type 2 (suffisamment préservés pour nous donner une idée de leur forme, il existe en effet plusieurs chaperons enregistrés lors des fouilles initiales qui sont perdus ou trop abimés pour être étudiés.)</p>
<p>Les formes sont très variées : l'arrière de la têtière pouvant être coupé droit, former un angle vers l'arrière ou même vers l'avant, enfin, un chaperon présente une têtière légèrement arrondie.</p>
<h3>Conclusion et perspectives</h3>
<p>Cet article n'a que la prétention de résumer et poser les bases de la description d'un vêtement d'après la littérature sur le sujet.</p>
<p>Pour aller plus loin, vous pouvez consulter mon article paru dans la revue Moyen âge n°89 : <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/Le-chaperon%2C-de-l-utilitaire-%C3%A0-la-parure">le chaperon de l'utilitaire à la parure</a>.</p>
<p>Maintenant la description des chaperons n'a plus de secret pour vous !</p>
<h3>Bibliographie</h3>
<p>Adrien Harmand, <strong>Jeanne d'Arc, son costume, son armure</strong> ; Paris, E. Leroux, 1929.<br />
Consultez le <a href="http://lerozier.free.fr/chaperon.htm" hreflang="fr">chapitre consacré au chaperon</a> sur le site du <a href="http://lerozier.free.fr/index.htm" hreflang="fr">Rozier des guerres</a>.<br />
Else Østergård, <strong>Woven into the Earth</strong> ; Aarthus university press, 2004<br />
Elena Rozoumniak, <strong><a href="http://www.theses.paris4.sorbonne.fr/rozoumniak/rozoumniak/html/index-frames.html" hreflang="fr">Le vêtement et la coiffure dans les romans français des XIIIe et XIVe siècles : étude de lexicologie, de critique littéraire et d'histoire des sensibilités médiévales</a></strong> ; thèse de doctorat UNIVERSITÉ PARIS IV – SORBONNE.</p>
Une coiffe simple pour le XVe
urn:md5:32e85f28679198ce6bd729b8f3d0edbe
2007-11-01T18:19:00+00:00
2013-01-06T09:43:06+00:00
Hémiole
Costumes
coiffe
XVe
<p>Je vais tenter de montrer en images comment réaliser (surtout mettre en place) une simplissime coiffe pour le XVe. On la retrouve sur de nombreuses iconographies de l'époque.</p>
<p>Elle présente de nombreux avantages : elle est légère, elle convient tout à fait au travail (mis à part peut être en extérieur par grand vent), facile à réaliser et peut également protéger un peu des rayons du soleils ! C'est donc celle que j'ai choisi pour <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2007/09/10/19-costume-xve">mon costume XVe</a>.</p> <p>Pour réaliser cette coiffe :</p>
<p>Le patron est simple : un carré de tissus avec de petits cordons pour faire le nœud plus facilement. Les cordons ne servent vraiment qu'au nœud et ne doivent pas revenir sur le dessus de la tête, se sont les angles du carré qui le feront, c'est pourquoi ils (les cordons) doivent être courts !<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2007/11/01/20-une-coiffe-simple-pour-le-xve#pnote-15-1" id="rev-pnote-15-1">1</a>]</sup></p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/coiffe/patron.jpg" alt="patron de la coiffe" style="display:block; margin:0 auto;" title="Le patron de la coiffe : un simple carré de lin" /></p>
<ul>
<li>Je forme avec mes cheveux un chignon grossier qui tiendra le temps de mettre la coiffe ;</li>
</ul>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/coiffe/chignon.jpg" alt="Chignon" style="display:block; margin:0 auto;" title="Chignon formé sans lien le temps de poser la coiffe" /></p>
<ul>
<li>La tête penchée en avant, je place le grand côté muni des cordons sur ma nuque en positionnant le reste du tissus vers l'avant de ma tête ;</li>
</ul>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/coiffe/étape1.jpg" alt="Première étape" style="display:block; margin:0 auto;" title="Première étape : poser la coiffe sur la nuque" /></p>
<ul>
<li>Je noue les cordons sur le haut du crane en tirant bien les 2 angles de devant du carré ;</li>
</ul>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/coiffe/etape2-01.jpg" alt="Deuxième étape, placer les angles" style="display:block; margin:0 auto;" title="Deuxième étape, placer en les tirants les angles avant de nouer" /><br />
<em>Je noue <strong>fermement</strong> les cordons.</em></p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/coiffe/etape2-02.jpg" alt="Nouer les cordons" style="display:block; margin:0 auto;" title="Nouer les cordons fermement" /><br /></p>
<p><em>Puis je tire les angles de devant pour qu'ils ressortent bien et que les plis se disposent sur les côtés de la coiffe plutôt que sur le dessus du crâne.</em></p>
<ul>
<li>Je peux alors relever la tête placer le rabat sur le haut du crane ;</li>
</ul>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/coiffe/etape3-01.jpg" alt="" style="display:block; margin:0 auto;" /><br />
<em>On relève les rabats.</em></p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/coiffe/etape3-02.jpg" alt="" style="display:block; margin:0 auto;" /><br />
<em>En relevant les rabats deux constatations :</em><br /></p>
<ol>
<li><em>La coiffe est légèrement trop en arrière, je la tire alors de sorte à placer le nœud plus sur le devant du crane ;</em></li>
<li><em>J'ai des cornes et des plis sur l'arrière (à droite près de ma main sur la photo).</em></li>
</ol>
<ul>
<li>Il faut alors tenter de positionner harmonieusement les plis sur les côtés en les rentrants sous l'étoffe ;</li>
</ul>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/coiffe/etape4-01.jpg" alt="" style="display:block; margin:0 auto;" /><br />
<em>Je fais passer le surplus se trouvant vers l'arrière du crane (vers la nuque) sous le pan qui remonte sur le crâne ;</em></p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/coiffe/etape4-02.jpg" alt="" style="display:block; margin:0 auto;" /><br />
<em>Je tire sur les côtés des cornettes vers le bas pour que les côtés de la coiffe soient réguliers.</em></p>
<p>C'est fini !</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/coiffe/fini-01.jpg" alt="" style="display:block; margin:0 auto;" /></p>
<p><em>L'air idiot est en option !</em></p>
<div class="footnotes"><h4>Note</h4>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2007/11/01/20-une-coiffe-simple-pour-le-xve#rev-pnote-15-1" id="pnote-15-1">1</a>] En réalité, comme me l'a signalé Gerdrud, reconstitueuse Québécoise, les cordons sont loin d'être indispensables. En effet, en agrandissant légèrement le carré de la coiffe il est parfaitement possible de réaliser le noeud avec les angles de la coiffe, voire d'utiliser des épingles pour la fixer. J'ai ajouté ces cordons car mon coupon de lin était trop petit pour nouer la coiffe avec les coins de la coiffe.</p></div>
Costume XVe
urn:md5:835f166cf68a203c41f6ebf5df53a3f8
2007-09-10T14:09:00+00:00
2013-01-06T09:46:07+00:00
Hémiole
Costumes
aumônière
chaperon
coiffe
tablier
XVe
<p>L'idée de base était de réaliser une tenue XVe simple pour aller jouer un peu avec les amis XVemistes, et, pourquoi pas faire un peu de prosélytisme pour le XIIe, qui sait ?</p>
<p>Allez, avouons-le, c'était aussi pour faire un peu d'espionnage industriel aux <a href="http://museohistoire.com/crevecoeur/ALBUM.html" hreflang="fr">médiévales de Crevecoeur-en-Auge</a> ! Du coup, même si j'ai essayé de respecter un peu un cahier des charges sur l'époque, le type de personnage pour lequel je souhaitais réaliser ce costume ... je suis restée sur quelque chose d'un peu passe-partout, rien de bien original, mais bon, peut-on être à chaque fois exceptionnel ?</p> <p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/robe/robe-accroupie-01.jpg" alt="" style="display:block; margin:0 auto;" /></p>
<h3>Les sources</h3>
<p>Après un rapide tour de l'iconographie XVe, j'ai opté pour un modèle de robe ajusté lacée devant, à manches courtes (donc, effectivement : rien de super original !). On trouve ce genre de modèle assez fréquemment tout au long du XVe siècle :</p>
<p>Dans ce manuscrit daté de 1456 :<br />
<img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/Sources/paysannes.jpg" alt="" style="display:block; margin:0 auto;" /></p>
<p>Ou encore dans celui-ci, daté 1473 :<br />
<img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/Sources/anne-of-france_book-of-hours_1473_03_kirtle.jpg" alt="" style="display:block; margin:0 auto;" /></p>
<p>L'étude plus détaillée des primitifs flamands (notamment les tableaux de Rogier van der Weyden) m'a également permis de me faire une idée de la construction et des détails de la robe que je voulais réaliser.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/robe/robe-01.JPG" alt="Costume XVe : cotte, coiffe, tablier" style="display:block; margin:0 auto;" title="Mon costume XVe en action : la cotte lacée, la coiffe en lin et le tablier replié" /></p>
<h3>Le patron</h3>
<p>Pareil que pour le modèle : simplicité avant tout ! Après avoir cherché ce qui pouvait se faire, robe à quatre pans, à six pans avec découpe princesse, couture à la taille, ou non ... J'ai opté pour le modèle à quatre pans ajustés, sans couture à la taille avec des godets triangulaires pour l'aisance<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2007/09/10/19-costume-xve#pnote-14-1" id="rev-pnote-14-1">1</a>]</sup> on peut trouver de <a href="http://cadieux.mediumaevum.com/frontlaced-kirtles1.html" hreflang="en">nombreuses références sur cette construction sur le site de Marie-Chantal Cadieux</a>.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/robe/robe-tablier-01.jpg" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></p>
<p>Comme je voulais utiliser un coupon de laine verte que j'avais déjà, la taille du dit coupon m'a imposé des contraintes au niveau de la construction : les quatre pans ne pouvaient s'évaser à partir de la taille sans quoi je n'avais pas assez de longueur pour faire ma cotte. C'est ce qui m'a décidé à faire les godets. J'avais, à l'origine prévu d'en faire quatre également (devant, derrière et des deux côtés) mais après avoir cousu ceux des côtés et celui de derrière, l'ampleur me paraissait suffisante et je ne souhaitais pas avoir trop de plis sur l'avant. A la réflexion, j'aurai pu ajouter un godet légèrement plus étroit.</p>
<h4>Quelle finition pour l'encolure ?</h4>
<p>Pour la finition de l'encolure et de l'ouverture frontale, j'ai choisi de faire une parmenture pour les raisons suivantes :</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/Sources/encolure-weyden.jpg" alt="Rogier van der Weyden, Descente de croix, détail" style="display:block; margin:0 auto;" title="Détail de la descente de Croixde Rogier van der Weyden, qui nous montre la couture large de la bordure de l'encolure." /></p>
<p>Se sont certains tableaux des primitifs flamands qui m'ont orientés vers la parmenture : en effet comme on distingue bien les détails des coutures, je trouvais que, la couture qui bordait l'encolure et / ou l'ouverture du laçage était assez espacée du bord (4 à 6 cm à vue de nez, même si je n'ai absolument pas le compas dans l'œil).</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/Sources/encolure-weyden-02.jpg" alt="Rogier van der Weyden, Les sept sacrements, détail" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" title="Détail des sept sacrements de Rogier van der Weyden, qui nous montre la couture large de la bordure de l'encolure." /></p>
<p>Je me suis donc dit que, pour obtenir une bordure propre sur des courbes, un ourlet de cette largeur me semblait peu probable, de même qu'un biais ou une bande taillée dans le droit-fil ... d'où la parmenture<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2007/09/10/19-costume-xve#pnote-14-2" id="rev-pnote-14-2">2</a>]</sup>.</p>
<p>Voici le résultat :</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/temp/parmenture.jpg" alt="Détail de la parmenture" style="display:block; margin:0 auto;" title="Rendu de la parmenture sur mon costume." /></p>
<p>J'avais également envisagé la solution de réaliser la finition en tissant la bordure aux tablettes directement sur le tissus mais je n'avais pas suffisamment étudié cette technique pour m'y lancer (une prochaine fois peut être).</p>
<p>Les œillets pour passer le cordon de laçage sont cousus. Le cordon a été réalisé à la lucette avec de la laine rouge teintée à la garance.</p>
<h3>La coiffe</h3>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/images/Costume XV/Sources/1172492494.jpg" alt="Heures de Charles d’Angoulême, Tours vers 1482-1485, BNF, Manuscrits latins 1173, fol 5 v°-6" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" title="Coiffe simple tirée du livre d'heures de Charles d'Angoulême." /></p>
<p>En plus du <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2007/02/15/7-un-chaperon-feminin-typiquement-xve">chaperon que j'avais réalisé l'hiver dernier</a>, j'ai réalisé une petite <a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2007/11/01/20-une-coiffe-simple-pour-le-xve">coiffe simple en lin blanc</a>. Le modèle que j'ai tenté de reproduire est assez fréquent, m'a séduit par son côté pratique : avoir une visière en cas de soleil !</p>
<p>Sur le modèle que j'ai réalisé, j'ai donc <em>volontairement</em> augmenté la taille du rabat de la coiffe pour une plus grande protection<sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2007/09/10/19-costume-xve#pnote-14-3" id="rev-pnote-14-3">3</a>]</sup></p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/robe/robe-coiffe-dessus.jpg" alt="" style="display:block; margin:0 auto;" /></p>
<h3>Le tablier</h3>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/robe/tablier-02.jpg" alt="" style="display:block; margin:0 auto;" /></p>
<p>Pour pouvoir travailler sereinement, j'ai réalisé un tablier tout simple dans un vieux drap de lin bien épais.</p>
<p>Le modèle est basé sur certaines iconographie XVe (souvent fin XVe) qui montrent un angle sur le côté, j'avais envie de voir comment rendre cet effet.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/Sources/source-tablier-01.jpg" alt="" />
<img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/Sources/source-tablier-02.jpg" alt="" /></p>
<p>Pour obtenir ce résultat, j'ai simplement utilisé, pour la ceinture, une bande de lin rapportée que je n'ai pas cousu sur la totalité du bord : de chaque côté du tablier, le lien s'arrête à environ 15cm du bord du tablier. L'angle supérieur du tablier retombe alors naturellement par rapport à la ceinture. L'avantage de ce système est qu'il est naturellement couvrant lorsque l'on est assis ou accroupi.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/robe/tablier-01.jpg" alt="" style="display:block; margin:0 auto;" /></p>
<h3>L'aumônière</h3>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/aumoniere/aumoniere-02.jpg" alt="" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" /></p>
<p>La petite aumônière a été réalisée en toile de laine que j'ai tissée avec un métier à grille. La qualité du tissage est assez médiocre mais reflète bien mes compétences en la matière. Mais au final, l'aumônière a un aspect relativement correct, rustique mais correct.</p>
<p>Le patron de l'aumônière est (encore !) très classique : carré, avec 3 pompons en bas, les cordons, ont été réalisés à la lucette avec de la laine teintée à la garance.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/aumoniere/anthémis-aumoniere.jpg" alt="Laine teintée à l'anthémis utilisée pour l'aumônière" style="display:block; margin:0 auto;" title="Laine -toile et écheveaux- teintée à l'anthémis tinctoria" /></p>
<p>J'ai réaliser la teinture de l'aumônière avec l<em>'anthemis tinctoria</em><sup>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2007/09/10/19-costume-xve#pnote-14-4" id="rev-pnote-14-4">4</a>]</sup> en mordançant simultanément à l'alun. J'ai utilisé de la laine teintée de la même manière pour réaliser les pompons.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/aumoniere/anthemis/recolte-automnale.jpg" alt="" style="display:block; margin:0 auto;" /><br />
<em>Et voici ma récolte automnale d'anthémis !</em></p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2007/09/10/19-costume-xve#rev-pnote-14-1" id="pnote-14-1">1</a>] et oui, je n'ai pas pris l'option <em>princesse</em> !</p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2007/09/10/19-costume-xve#rev-pnote-14-2" id="pnote-14-2">2</a>] parmenture réalisée dans la même laine que la robe, ce que je ne referai pas si j'ai 48 œillets à coudre ensuite.</p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2007/09/10/19-costume-xve#rev-pnote-14-3" id="pnote-14-3">3</a>] oui, mes yeux craignent beaucoup le soleil, je dois bien trouver des subterfuges pour pouvoir renoncer aux lunettes de soleils !</p>
<p>[<a href="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2007/09/10/19-costume-xve#rev-pnote-14-4" id="pnote-14-4">4</a>] également appelé œil de bœuf ou camomille des teinturiers</p></div>
Un chaperon XVe à usage de femme
urn:md5:5d9fd1611f4033ae29c72b179354b454
2007-02-15T16:08:00+00:00
2013-01-06T10:07:33+00:00
Hémiole
Costumes
chaperon
XVe
<p>Une petite échappée dans le temps avec la réalisation d'un chaperon féminin ouvert.</p>
<p>Il s'agit d'une sorte de chaperon très courant dans les enluminures XVe, qu'on observe autant sur des bourgeoise dans des scènes citadines que sur des paysannes travaillant aux champs.</p> <p>Voici donc le premier élément d'un costume XVe.</p>
<p>Outre, l'observation des enluminures, la lecture de <em>Jeanne d'Arc, ses costumes, son armure</em> d'Harmand, <a href="http://www.compagnons-duellistes.com/article_chaperon2.htm" hreflang="fr">l'article de Dame Gonelle</a>, maîtresse incontestée dans le domaine, m'a été d'une grande aide pour réaliser cette coiffe.</p>
<p>J'ai donc suivi le patron proposé par Harmand pour sa réalisation : en 2 parties cousues sur le dessus de la tête, doublée du même tissus sur la partie avant seulement, avec une têtière se nouant derrière le cou, une cornette longue et surtout fine.</p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/Gonelle/gonelle-01.jpg" alt="Chaperon de face" title="Chaperon de face" style="display:block; margin:0 auto;" longdesc="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2007/02/15/Vue de face du chaperon où l'on peut voir les larges oreillettes" /></p>
<p><img src="https://www.hemiole.com/reconstitution/public/images/Costume XV/Gonelle/gonelle-03.jpg" alt="Chaperon de côté" title="Chaperon de côté" style="display:block; margin:0 auto;" longdesc="https://www.hemiole.com/reconstitution/index.php?post/2007/02/15/Vue de côté du chaperon, on observe le retour sur les épaules et la longue cornette." /></p>