Tenue d'aviatrice : les nouvaux horizons de la féminité - Partie 2

Après avoir fait un rapide tour d'horizon des tenues féminines liées aux activités physiques et sportives qui ont existé en ce début de XXe siècle, nous allons nous intéresser à l'aviation proprement dite.

L'aviation est une activité qui porte en elle les idées de danger, de vitesse, qui ne sont pas, à l'époque, du tout associé aux activités féminines.

Les principaux problèmes que l'activité pose en terme de tenue sont le froid, le vent, mais aussi la saleté, comme les projection d'huile ou la poussière. Les tenues d'aviations doivent donc à la fois permettre une certaine liberté de mouvements mais aussi avoir de bonnes capacités de protection.

Nous allons brièvement voir comment les hommes ont adapté leur tenue à ces problèmes. Nous détaillerons ensuite les tenues des aviatrices d'après leurs photographies.

La tenue des pionniers de l'aviation

Les hommes utilisaient les vêtements de travail notamment ceux des mécaniciens. Les tenues de cuir ont été très vites adoptées. Plus fréquentes dans le vestiaire masculin, imperméables, elles offraient une bonne protection au vent mais aussi une grande durabilité et une facilité d'entretien face aux taches d'huiles ou à la poussière auxquelles les aviateurs étaient fréquemment exposés.

Cependant tous les accessoires liés à l'aviation ne faisaient pas l'unanimité, y compris chez les hommes. Ainsi le magazine aeronotics relevait en 1912 :

So far of being a thing of beauty, goggles are surely one of the most hideous adjuncts of modern civilisation. But they are indispensable in aviation at any rate.

Loin d'être un objet de beauté, les lunettes de protection sont certainement l'un des plus hideux accessoire de la civilisation moderne. Mais dans tous les cas, ils sont indispensables à l'aviation.

Si l'accessoire est décrié d'un point de vue esthétique, sa nécessité ne fait aucun doute. Dans le cas des femmes, loin de considérer que les contraintes leur impose des tenues adaptées, la société considère alors que c'est l'activité qui n'est pas adaptée à leur condition féminine.

Les pionnières

Voici quelques pionnières de l'aviation, loin d'être une liste exhaustive, je n'ai sélectionné que celles dont nous avions des photographies en tenue datant de la période qui nous intéresse (années 10). Les liens sous leur nom, renvoie à leur notice wikipedia pour celles et ceux qui voudraient approfondir leur biographie.

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Sur ces photos, Elise Deroche porte un long manteau épais en maille. Les 2 bonnets qu'elle porte semblent également être du tricot. Sur la seconde photo, le bonnet, avec ses rubans est un couvre-chef typiquement féminin.

  • Marie Marvingt, détentrice de plusieurs records et décorations militaires, brevetée en 1910.

Marie Marvingt porte sur cette photo une épaisse jupe (ou une très ample culotte) dans ce qui semblerait être un drap de laine. Il est difficile d'imaginer qu'elle ait utilisé cette jupe en vol. En revanche, sa veste en cuir ainsi que son bonnet sont probablement des vêtements qu'elle a pu utiliser pour se protéger des éléments. Notez la forme de la tête de manche de la veste en cuir : légèrement ballon, ce qui dénote une coupe de vêtement féminin.

  • Hélène Dutrieux, première pilote d'essai d'avion en France et première femme brevetée en Belgique (1910).

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Sur cette photographie, il est difficile de déterminer précisément la tenue d'Hélène Dutrieux. Néanmoins, on peut deviner une tenue de type combinaison, probablement en toile. sur ce modèle, le bas du pantalon ne semble pas resserré pour donner l'aspect bouffant des culotte de sport. Sur la tête, elle porte une cagoule qui se rapproche esthétiquement des casques en cuir.

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Cette photographie n'est pas la plus précise que l'on aie d'Harriet quimby mais nous aurons l'occasion de revenir en détail sur sa tenue. Sur cette photographie, on peut malgré tout distinguer la combinaison en toile souple, les bottines ajustées sur les chevilles et les mollets, ainsi que la cagoule de l'aviatrice.

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Cette photographie de Mathilde Moisant représente probablement la tenue la plus évocatrice d'une femme pilote. A l'instar de Quimby, elle porte une combinaison qui met en valeur ses formes (poitrine, taille, hanches), ses chevilles sont soulignées par des bottines lacées qui remontent aux genoux. elle porte également le casque en cuir et les lunettes de protection. (La swastika sur son torse semble être une médaille de protection).

Ce qui est très frappant sur cette image, c'est que quand bien même la tenue de vol est très emblématique du pilotage, avec toute la charge que ça porte (danger, vitesse ...) en aucune façon, la féminité de l'aviatrice n'est gommée.

  • Hilda Hewlett, première femme brevetée en Angleterre, fondatrice et dirigeante de la fabrique aéronautique Hewlett & Blondeau.

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Sur cette photo, Hilda Hewlett porte une large culotte ainsi qu'une veste de cuir et une cagoule de toile ou de laine. Dans ce cas, l'aviatrice a composé une tenue reposant uniquement sur l'aspect pratique et et non esthétique.

Pour résumer

Comme on peut l'observer sur les photographies, certaines de ces tenues sont assez hétéroclites, faites d'assemblages de différents éléments, parfois surprenants. Ainsi, sont utilisés : tricots, cuir, ou toiles épaisses.

Seules Harriet Quimby et Mathilde Moisant ont une tenue qui dénote une certaine volonté de conserver leur image féminine. Ces deux femmes se connaissaient, elles ont appris à piloter dans la même école d'aviation, ont passé leur brevet à quelques semaines d'intervalle et ont participé ensemble à des compétitions. La pièce principale de leur tenue est une combinaison en une pièce, avec une culotte bouffante et resserrée en bas qui révèle sensiblement leurs formes.

Le casque et les lunettes qui nous semblent typiques aujourd'hui, de la tenue d'un pilote du début du 20e siècle ne sont pas portés systématiquement. Pour se protéger la tête, ces femmes préféraient visiblement porter bonnets ou cagoules. Il semble que ces deux accessoires aient été les plus difficiles à imposer pour les femmes. Si dans l'entre-deux guerres, elles les ont portés sans soulever moqueries ou remarques déplacées, dans les années 30, plusieurs témoignages semblent indiquer que ce fut la dernière marque de la tenue typiquement masculine. En effet, sous le casque et derrière les lunettes, il devient impossible de différencier un homme d'une femme.

A suivre : Harriet Quimby, la médiatisation et son impact.

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