Point de bayeux

Le point de Bayeux, ou point d'orient, ou point raché est une couchure dont l'exemple historique le plus célèbre est probablement la tapisserie de Bayeux, datée de la fin du XIe siècle.

rose-bayeux-02.JPG

Mais si cet exemple est le plus connu, il a été utilisé pendant longtemps, en particulier pour la broderie de pièces liturgiques. Loin d'avoir été cantonné à la tapisserie au point d'aiguille (c'est à dire à la broderie de laine) il a également été utilisé pour remplir au fil de soie de grandes surfaces. Car c'est là son principal point fort en plus d'être une technique économe en fils. Saint-Aubin le décrit comme un point permettant de réaliser de la peinture à l'aiguille de manière rapide pour les ouvrages destinés à être regardés de loin.

Définition et réalisation

Le point de Bayeux se travaille en 3 temps :

  • D'abord de grands points lancés sont travaillés en parallèle pour recouvrir toute la surface.
  • Ensuite, on réalise de longs points perpendiculaire à intervalle régulier (5mm par exemple).
  • Enfin, de petits points vont venir fixer ces derniers, ce que Saint-aubin appelle racher.

Un autre procédé beaucoup plus expéditif, c'est de lancer une ou plusieurs nuances d'un bout à l'autre de chaque objet, en les fondant l'une dans l'autre ; et quand la surface est toute couverte de soies, on la croise d'autres soies fines assorties aux premières nuances, et lancées à la distance de deux ou trois lignes les unes des autres (...) ; puis on arrête ces dernières soies de petits points imperceptibles, ce qui s'appelle râcher, (...). Ce procédé est bon pour les grandes parties, et les ouvrages qui ne doivent être vus que de loin. La soie en est fort luisante : les queues et nervures se font à point fendu à l'ordinaire.

On le voit, ici, Saint-Aubin préconise de mélanger entre eux des fils de nuances différentes pour réaliser des dégradés.

Râcher, c'est assurer et finir une Broderie lancée ou cordonnets collets, par de petits points symétriquement arrangés.

Saint-Aubin, L'art du brodeur, 1770.

Au XIXe siècle, Thérèse de Dillmont décrit ce point dans son encyclopédie des ouvrages de dame. Si ses conseils de réalisation ainsi que les nombreux dessins qui illustrent cet ouvrages sont de précieuses indications techniques, sa nomenclature et ses descriptions historiques, elles, sont quelque peu datées, et empruntes d'appels à l’exotisme. Cependant, vu la diffusion et le nombre de traduction important de son ouvrage, le point de Bayeux est souvent appelé couchure ou point d'orient, en particulier par les anglo-saxons.

Point d'Orient - Les trois points qui suivent et que nous avons groupés sous la même dénomination de points d'Orient, sont aussi connus sous le nom de point de Renaissance ou de points arabes. Si nous les appelons points d'Orient, c'est qu'on les retrouve dans la plupart des broderies, orientales et il est plus que probable que nous les devons aux peuples de l'Asie, qui excellaient, de tout temps, dans l'art de la broderie.

Encyclopedie_des_ouvrages_de_dames__._Dillmont_Therese_bpt6k62794921_117_1_.jpg Thérèse de Dillmont, encyclopédie des ouvrages de dame, 1886.

Exemples historiques

Tapisserie_Bayeux_01.jpg La tapisserie de Bayeux, premier exemple et le plus célèbre qui a donné son nom commun à ce point.

On retrouve le point d'orient, associé à d'autres types de couchures dans certaines broderies orthodoxes russes de la fin du XVe siècle, comme sur ce suaire brodé par l'atelier d'Elena Voloshanka. 3f94ec7ac45c8a680acc3149ad788087.png

Sur ce détail du blason de la mitre du cardinal Georges d'armagnac (Trésor de la Cathédrale du Puy-en-Velay) datée du XVIe siècle, le point d'e Bayeux, brodé au fil de soie, n'est pas utilisé pour recouvrir de grandes surfaces mais probablement pour faire écho à la couchure d'or du blason. Le blason fait environ 4cm de diamètre : lions-01.JPG

Aux XVIIe et XVIIIe siècle, on retrouve ce point utilisé sur certains vêtements liturgiques en Europe, utilisé à la manière décrite par Saint-Aubin. Mais on peut noter certaines variations dans l'usage et la manière : il a été utilisé, en particulier, semble-t-il dans le Tyrol et en Italie du nord aux XVIIe et XVIIIe siècles de manière spécifique. Broderies au fil de soie sur toile de lin, comme unique point de remplissage et sans dégradé pour des vêtements liturgiques. Une des particularité de ces vêtements d'Italie du nord est que la surface n'est pas entièrement recouverte de broderies. On peut le voir sur cet exemple d'un dos de chasuble de la collection du trésor de la Cathédrale du Puy-en-Velay. chasuble-italie-17e-02.JPG

Mais également cette chasuble Suisse du XVIIIe siècle conservée au musée national Suisse de Zürich : DIG-3639.jpg

Il a également été utilisé comme unique point de remplissage sur des pièces brodées plus richement et dont la surface est intégralement brodée. Comme sur ces exemples : 2012FT6118_2500.jpg © Victoria and Albert Museum, London.
Chasuble, seconde moitié XVIIe siècle, Italie, conservée au V&A.

Sur certaines de ces pièces, le point de Bayeux est utilisé en association avec d'autres points de remplissages, comme le passé plat empiétant pour peindre les nuances et les dégradés, comme sur cette chasuble de la collection du trésor de la Cathédrale du Puys en Velay où les tiges sont au point de Bayeux et les pétales de la fleur au passé plat empiétant. chasuble-italie-17e.JPG

Dernier exemple d'usage du point de Bayeux au XVIIIe siècle, cette fois-ci non religieux.

l-abondance-01.JPG

point-de-bayeux-01.JPG Broderie sur toile de Jouys, XVIIIe siècle, St Malo.
Cette broderie, manifestement domestique, utilise le point de Bayeux pour couvrir certaines surfaces, en particulier les draperies. Le point est associé à plusieurs autres points (et même d'autres qualités de fils) selon la texture voulue pour renforcer le dessin. Il n'est alors pas question de couvrir rapidement de grandes surfaces mais probablement de créer une texture la plus proche possible d'étoffes drapées : soyeuses et plissées.

Réalisations

Pour terminer, si j'ai utilisé le point de Bayeux pour la réalisation d'une aumônière brodée, je vous propose deux photographies de ce point : au fil de soie et au fil de laine pour vous montrer la différence de rendu entre les deux fibres. La soie floche (qui aura le meilleur rendu pour ce point et qui est le type de soie utilisée dans tous les exemples historiques que je vous ai présentés) permet de créer une très belle surface chatoyante.

rose-bayeux-01.JPG Rose de style Tudor, d'après la chasuble brodée du trésor de la Cathérale du Puy-en-Velay, réalisée avec diverses soies floches.

point-detail.jpg Détail de l'aumônière brodée au point de Bayeux, fil de laine sur lin. [ Vous pourrez retrouver quelques unes des sources que j'ai utilisées dans l'article, plus d'autres avec les liens vers leur site de référence sur mes différents tableaux pinterest|https://pin.it/vrclxaitqftppf|fr].

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