Pelote - surcot espagnol de la fin du XIIIe siècle

Seconde pièce du costume de noble espagnol de la fin du XIIIe siècle que je vous présente : la pelote ou surcot.

Portée par dessus la tunique, le surcot espagnol a lui aussi une forme très typique. C'est un surcot sans manches dont l'ouverture sur les côtés est très échancrée. Il laisse largement voir la tunique portée en dessous. Cette forme de surcot, longueur mise à part, semble également portée aussi bien par les hommes que par les femmes.

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Spécificités de la pelote

Sources

Comme pour la tunique, les vêtements de la famille royale de Catsille, nous révèlent plusieurs pièces exceptionnelles.

pelote-02.jpg Surcot de Henri I de Catsille qui présente des bandes de décorations sur les ouvertures.

Mais on en trouve également de nombreuses représentations dans les peintures, manuscrits et sculptures espagnoles de cette période.

Description

De même longueur que la tunique (ou saya), la pelote est un surcot (porté sur la cotte) sans manches, très échancré. Les ouvertures laissent voir les côtés de la tunique jusqu'à la naissance des hanches et dévoile une partie des épaules et du torse. Le devant et le dos ne sont constitués que d'une bande relativement étroite.

Portée par les nobles, il semble qu'elle puisse être réalisée dans de tissus précieux et décorée de bandes contrastantes tout le long des ouvertures.

pelote-05.jpg Cantigas de Santa Maria, Codex E, MS B.I.2, Bibliothèque de l'Escurial.

Comparaison

Si le surcot sans manches se porte à cette époque, en France, il a cependant une forme nettement différente à cette époque. En effet, les ouvertures sur les côtés sont bien moins échancrées et ne laissent voir la plupart du temps que les manches. Sur quelques exemples XIIIe siècle, on peut deviner une ouverture qui descend plus bas vers la taille, cependant, le torse semble toujours couvert. Ce n'est qu'au cour du XIVe siècle que les surcots vont s'échancrer de la sorte et qu'une forme comparable va apparaître en France : le fameux surcot à porte d'enfer, ou plus simplement surcot ouvert dans les textes d'époque[1]

Réalisation

Choix du tissu

Le tissu est différent de celui de la tunique. Si les vêtements qui ont été retrouvés dans les tombes des membres de la famille royale espagnole peuvent être réalisés, pour une même tenue dans le même tissu, parfois héraldique, on peut néanmoins observer de nombreuses représentations, où les tissus sont différents non seulement en ce qui concerne les couleurs mais aussi les motifs.

b16bc22fc04d26d66a7162a167d3ade2.jpg Joseph d'Arimathie, Bois polychrome, Fondation Francisco Godia, Barcelone ; vers 1300.

Pour ce surcot, j'ai utilisé un lampas de soie à médaillons. Le lampas est un tissu de soie façonnée dont le décors est est obtenu par des flottés de trame. La différence entre le lampas et le brocard est que pour ce dernier, le fil de trame supplémentaire n'est tissé que sur la largeur des motifs. Dans le cas du lampas, le fil de trame constituant les motif court sur toute la largeur du lé.

flottes-details-01.JPG Détails des décors flottés : les fils clairs qui forment le motif sont libres et n'apparaissent sur l'endroit que sur les zones de motifs.

Au XIIIe siècle, le travail de la soie et notamment le tissage de soieries façonnées est attesté en Espagne via l'Afrique du nord. Jusqu'au cour du XIIIe siècle, les circuits d'approvisionnement en soie et en fil d'or sont différents entre l'Espagne et l'Italie[2]. A la fin du XIIIe siècle, l'Espagne, via la Sicile ouvre des voies de communication et des échanges techniques et commerciaux entre l'est et l'ouest du bassin méditerranéen. En outre, le déclin de l'empire Almohade au cours du XIIIe siècle va également influencer la qualité et les décors des soieries sur toute la péninsule ibérique. Ainsi, ce motif géométrique à petits rapports semble compatible avec les soieries façonnées tissées en Espagne au cours du XIIIe siècle[3] mais il aurait pu avoir été tissé aussi bien en Andalousie qu'en Sicile ou au proche Orient.

Choix des broderies

Que se soit sur certains vêtements de la famille royale ou sur les représentations, on remarque souvent des bandes de décorations sur les ouvertures latérales, l'encolure, parfois au bas, voir au milieu des pelotes. En ce qui concerne la pelote de Henri de Castille, la bordure semble être un galon doré. Sur certaines enluminures la représentation choisie fait penser à de riches fourrures telles que le vair ou l'hermine. Mais il est impossible de déterminer avec certitude la nature de ces décorations.

decos-pelote-01.JPG Sur ces 3 personnages des Cantigas de Santa Maria (Codex E, MS B.I.2, Bibliothèque de l'Escurial que j'ai présenté en entier dans mon article sur la saya encordada), tous issu de la même enluminure, la bordure de la pelote est représentée différemment : à gauche le musicien a des bordure dorées qui semble unies, au centre, le costume le plus riche, la bordure blanche à points noirs fait penser à de l'hermine tandis qu'à droite, la bordure présente de petites décorations. Il est évidemment impossible de trancher définitivement sur la nature de celles-ci, mais ce décors m'a orienté vers les ajouts de perles.

Pour cette réalisation, j'ai donc décidé de border les ouvertures des côtés et l'encolure d'une bande de taffetas de soie orné de petites perles de culture agencées par 2. En effet de nombreuses pièces de cette époque, que se soit en Espagne ou en Sicile (dont on a évoqué les liens plus haut) présentent des broderies agrémentées de perles.

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Bibliographie

Vestiduras ricas: el Monasterio de Las Huelgas y su época 1170-1340 ; catalogue de l'exposition "VESTIDURAS RICAS: EL MONASTERIO DE LAS HUELGAS Y SU ÉPOCA 1170-1340" ; Patrimonio natcional ed. ; 2005.
Renaudeau O. Les "vrais" costumes du XIIIe siècles d'après les découvertes de l'abbaye de Las Huelgas ; Histoire médiévale n°59, novembre 2004 ; n°60, décembre 2004.
Desrosiers S. Draps d'areste (II). Extension de la classification, comparaison et lieux de fabrication ; Soieries médiévales ; Techniques et culture 34 ; 1999.
Cardon D. De l'Espagne à l'Italie. Hypothèses concernant un groupe de soieries médiévales à fond de losanges liserés et bandes de samit façonné ; Soieries médiévales ; Techniques et culture 34 ; 1999.
Martin i Ros R. M. ; Les vêtemens liturgiques dits de saint Valère. Leur place parmi les textiles hispano-mauresques du XIIIe siècle ; Soieries médiévales ; Techniques et culture 34 ; 1999.
Burns E. J. Sea of silk, A textile geography of women's work in medieval french literature. University of Pennsylvania Press ; 2009.
Yashodhara Agrawal ; Les brocards de soie ; Roli & Janssen BV, 2004.

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Notes

[1] Marie de Rasse ; Surcot et cotte-hardie ; Histoire et Images Médiévales, thématique n°30 ; 2012

[2] La qualité des fils, leur sens de torsion, le type de motifs ainsi que le type de métier à tisser utilisé permet aux historiens d'essayer de déterminer l'origine des soieries anciennes. Desrosiers et Cardon montrent dans leurs articles comment l'analyse technique des tissus permet de déterminer ou d'émettre des hypothèses sur leur lieu de fabrication. voir bibliographie

[3] Martin i Ros, voir bibliographie

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