Un costume de bourgeois 1630 - 1640

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Ce costume est une proposition de reconstitution de l'habit bourgeois à la fin du règne de Louis XIII. Le costume dans son ensemble est le fruit d'un croisement entre une série de gravures (les gravures d'Abraham Bosse[1] qui a réalisé une série sur la mode) et de vêtements d'époque (pour le relevé des patrons et les techniques de construction).

La tenue est composée d'une chemise en toile de lin blanc, un pourpoint et des haut-de-chausses en drap de laine gris, un manteau en serge de laine noire, des bas en maille de soie, un collet, des manchettes et des canons en toile de lin blanc, des bottes et un chapeau.

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Le costume est peu (voire pas) décoré. En effet, la fin du règne de Louis XIII est marquée par un certain nombre d'édits visant à limiter les excès de la mode. Ainsi, broderies, passementeries et dentelles furent interdits à plusieurs reprises. Il est vraisemblable, étant donné que ces ordonnances étaient répétées régulièrement (1620, 1629, 1633) qu'elles n'étaient guère respectées. Certaines gravures nous montrent ainsi des courtisans arborant des dentelles et des passementeries dans ces mêmes périodes. L'ordonnance du 18 novembre 1633, qui défendait aux sujets de porter sur leur chemise, colets, manchettes, coiffe et sur autre linge aucune découpure et broderie de fil d'or et d'argent, passements, dentelles, points coupés, manufacturés, tant de dedans que dehors le royaume nous a inspiré dans l'élaboration de ce costume.

087.jpg Abraham Bosse, Le Courtisan suivant le dernier édit.

On peut s'interroger sur le choix de l'utilisation d'une représentation de courtisan pour illustrer le costume d'un bourgeois. Cette gravure présente l'avantage d'être très explicite sur le costume porté. Mais concernant la différence de statut, la qualité des tissus, l'usage de dentelles, d'ornements et de passementeries sont ce qui distingue d'après les textes et inventaires, le vêtement du courtisan de celui du bourgeois. Ce courtisans suivant le dernier édit (ayant par conséquent ôté tous les ornements superflus), offre probablement une bonne idée des vêtements d'un bourgeois de cette période. Enfin, sur d'autres gravures de Bosse, comme par exemple celle du cordonnier (ci-dessous), montre ce même type de vêtement chez des travailleurs.

072.jpg Les Métiers, v. 1632-1633 : Le Cordonnier ; Eau-forte ; Tours, MBA, 1894-6-10.
Sur cette scène, le cordonnier porte un costume sensiblement identique au courtisan : mis à part les bottes et les canons, le doublet boutonné a une taille très haute et des crevés sur les bras. Il porte également un grand collet non décoré. Son chapeau et son manteau sont posés sur le tabouret à côté de lui.

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Nous allons maintenant nous intéresser à chacune des pièces qui composent ce costume.

Chemise

La chemise est réalisée d'après la chemise de Claes Bielkenstierna, 1659, Stockholm.

Il s'agit d'une chemise en lin, très ample et longue, tant au niveau du buste que des manches.

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Elle ne présente pas décoration autre que la broderie pour renforcer le bas de l'ouverture du buste. Des séries de petits plis au col, sur l'épaule et aux poignets.

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Le col est un simple col droit type officier, les cols apparents étant déjà des pièces indépendantes depuis près un siècle.

Note sur la taille de la chemise : j'ai d'abord songé à reproduire la chemise à l'identique avec les mêmes dimensions. Mais de cette manière la chemise était immense. J'ai donc décidé de la réduire un peu. Elle reste néanmoins très ample. On peut s'interroger sur l'adéquation entre la taille de la chemise et celle du porteur. Mais la longueur est facilement gérable en repliant les pans de la chemise entre les jambes en une sorte de culotte. Quant à la largeur et la longueur des manches, elles s'expliquent par la mode qui consiste à ménager des ouvertures dans les vêtements par lesquelles la chemise est apparente, nous le verrons avec le pourpoint.

Pourpoint

D'après les gravures d'Abraham Bosse.

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Le pourpoint est encore le vêtement de dessus le plus commun à cette époque. Il entamera son déclin vers les années 1660 pour disparaître (au profit du justaucorps) dans les années 1680 marquant la fin de plus de 3 siècles de mode masculine.

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Le pourpoint est en laine grise doublé de lin sergé. D'après les inventaires le gris devient une couleur de premier plan (avec le noir) pour les vêtements de dessus à partir des années 30 [1] La taille est très haute sur l'arrière et les côtés et les basques, au nombre de 4, sont séparées et descendent jusqu'aux hanches.

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Ses seules décorations sont des boutons brodés de laine grise. Ils sont réalisés sur une âme en bois, recouverte de fils de lin et rebrodés de laine au point arrière.

Le pourpoint est renforcé de toile forte sur l'ensemble du buste, et renforcé de nappe de coton aux épaules. Au niveau du ventre, plusieurs épaisseur de toile forte ainsi que de nappe de coton soulignent une silhouette légèrement « ventrue » encore en vogue. Le col n'est pas droit mais orienté vers le cou. Les épaules n'ont pas d'ailettes. En effet, celles-ci ne sont pas systématiquement présentes sur les représentations, notamment sur la gravure du courtisan de Bosse.

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Les manches coudées sont largement ouvertes sur l'avant. Les ouvertures sont simplement bordées de boutons brodés d'un côté. Des brides en cordonnet de laine grise tressé à la main permettent de refermer l'ouverture.

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Cependant, il semble que ce type de manche crevée se portait essentiellement ouverte. Non seulement la présence de boutons n'est pas systématique mais cette forme relève plus de la mode de crevés (qui était bien plus extravagante quelques décennies avant) que d'un besoin utilitaire.

Haut-de-chausses.

D'après gravure.

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Les haut-de-chausses sont confectionnés dans le même drap de laine que le pourpoint et doublée du même sergé de lin. Légèrement bouffants. Une braguette est ménagée et fermée par 6 boutons en laine. Elle se resserre par un cordon au niveau des genoux. Une petite fente d'aisance est ménagée à l'intérieur de la jambe à ce niveau.

Si les haut-de-chausses présentent déjà la ceinture rapportée et la braguette des culottes plus tardives, ils sont encore attachés à l'intérieur du pourpoint par des crochets sur les côtés au niveau de la taille.

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Manteau.

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Le manteau est une cape en sergé de laine noire coupé en 3/4 de cercle et doté d'un grand col rabattu. Il possède deux cordelettes en soie tressées à la main, de chaque côté au niveau du col, elles sont terminées par un pompon.

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Si l'on peut observer, sur certains ensembles luxueux conservés dans les musées ou sur des portraits, un manteau assortit au reste du costume, nous avons fait le choix de réaliser le manteau dans un autre tissu (serge au lieu du drap) et une autre couleur (noir au lieu du gris).

Au début du XVIIe siècle les manteaux étaient en grande majorité noirs, à la date qui nous intéresse, 50% des manteaux sont encore noirs, vers 1660, le noir tombera en désuétude. Et le serge était plus employé que le drap pour la confection des manteaux. Plus souple, il permet au porteur de faire des effets de drapés[2]. 11-manteau-01.jpg

Le manteau se portait aussi bien sur les deux épaules que sur une seule, c'est là qui permettait de faire des effets de drapé.

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Bas.

Des bas en maille de soie gris sont portés dans les bottes. Ils montent jusqu'au dessus des genoux passant sous le bas de la culotte.

Accessoires en toile.

Les accessoires en lin (collet de toile, canons et manchettes) sont de facture simple. A cette époque, et ce malgré les ordonnances dont nous avons parlé en introduction, certains de ces accessoires sont ornés de dentelles dans la noblesse.

Ici, comme on le voit sur les gravures sélectionnées ou sur certaines pièces, la toile de lin est plus épaisse et les décorations sont inexistantes ou discrètes.

Col ou collet de toile.

Il s'agit d'un large col rabattu couvrant les épaules et réalisé pour la technique d'après le col conservé à la fondation coloniale de Williamsburg, daté 1640-1645. Depuis le milieu du XVIe siècle environ, les cols décoratifs sont des pièces de costume à part entière et sont séparés des chemises.

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Il est réalisé en fine toile de lin blanc. Les plis sont fixés par de petits points avants invisibles sur l'endroit. Il est fixé par un lacet passé dans des œillets. Deux cordons ornés de pompons en soie à chaque extrémités sont passés dans des brides forment sa seule décoration.

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Manchettes

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Les manchettes en toile de lin sont réalisées de la même manière que le col à la différence que les plis ne sont pas cousus sur leur longueur mais uniquement fixés à leur base.

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Elles s'attachent grâce à une cordelette passée dans des œillets.

Canons.

Les canons sont réalisés d'après ceux conservés au musée national de Nuremberg datés 1630-1640.

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Ils sont en toile de lin décorés de bandes du même lin appliquées au point arrière selon un motif en arrêtes de poisson.

Bottes

Les bottes en cuir ont été réalisées par JP Berniot, Au cuir d'antan[3]. A bout carré, comme on les retrouve sur les gravures et les tableaux, elles sont portées avec les éperons qui servent à fixer le papillon sur l'avant.

Certaines gravures montrent ces bottes ainsi que les éperons portés dans des situations quotidiennes :

203.jpg Abraham Bosse, Les Graveurs en taille-douce, 1643.

1280px-Abraham_Bosse__The_Gallery_of_the_Palace_of_Justice__ca._1638.jpg Abraham Bosse, La Galerie du Palais, v. 1638.

Chapeau

Le chapeau en feutre noir, réalisé par Isabelle Bartoletti[4], est orné d'une fine passementerie de laine grise tressée à la main et garni de plumes d'autruche. Comme pour le manteau, le choix de la couleur est liée aux inventaires après décès qui indiquent que le noir est la couleur la plus employée pour les chapeaux à cette époque.

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Bibliographie

  • Janet Arnold, Patterns of fashion 4, The cut and construction of linen shirts, smocks, neckwear, headwears and accessories for men and women ; MacMillan, 2008.
  • Avril Hart and Susan North, Seventeenth and eighteenth-century fashion in detail,V&A publishing, 2009.
  • Micheline Baulant, « Jalons pour une histoire du costume commun », Histoire & mesure, XVI - 1/2 | 2001, http://histoiremesure.revues.org/107.
  • Norah Waugh, The cut of men's clothes 1600-1900, Faber and Faber, 1985.

Notes

[1] Micheline Baulant, « Jalons pour une histoire du costume commun », Histoire & mesure, XVI - 1/2 | 2001, http://histoiremesure.revues.org/107.

[2] Voit à ce propos la série de gravures d'Abraham Bosse : Le Jardin de la noblesse française, vers 1629.

[3] Au cuir d'Antan Berniot Jean-Philippe que vous pouvez contacter par mail à l'adresse cuirdantan à yahoo point fr ou par courrier au 5 rue de l'église 03380 Huriel

[4] Isabelle Bartoletti que vous pouvez contacter par mail à l'adresse : isabelle point batroletti à orange point fr ou sur Facebook : Isabelle Bartoletti.

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