Le cas Quimby

quimby-moisant-02.jpg Harriet quimby et Mathilde Moisant en tenue de jour.

Sur bon nombre de photographies, les mises en scène sont flatteuses et sa tenue frappe instantanément par sa féminité. La tenue est chatoyante, l'étoffe est souple, loin du cuir qui fait ressembler aux hommes.

harriet-quimby-02.jpg Cette pose n'a pas grand chose à envier à l'imaginaire plus récent associés aux femmes pilotes ou mécaniciennes. Le rendu brillant et souple de la combinaison accentue la féminité de la tenue.

La culotte bouffante est toujours à cette époque un vêtement marginal. Même la jupe-culotte fait scandale. Pourtant sa tenue, loin de s'aventurer dans la transgression en imitant le costume masculin, met largement son corps en valeur. Il s'agit d'une combinaison en une pièce en satin, doublée de laine à l'intérieur pour l'isolation. La culotte descend aux genoux. Sa poitrine et sa taille sont marquées. Ses bottines lacées ajustées aux chevilles remontent jusqu'aux genoux.

Dans une revue britanique en 1911, il est apporté à l'attention des lectrices que :

the suit has an ingenious device which enables it to be converted into a conventional walking skirt. (the car, 4 octobre 1911).

La tenue a un ingénieux dispositif qui lui permet d'être convertie en une jupe de promenade conventionnelle.

Ce n'est pas sans rappeler nos cyclistes de la fin du XIXe siècle, d'ailleurs, Harriet Quimby a participé à la conception de sa tenue :

It may seem remarkable but when I began to fly I could not find a regular aviator's suit that would fit me in New York. Finally my tailor helped me design a suit that I hoped would establish a standard for the proper flying costume for women in this country.

Ça peut sembler incroyable mais quand j'ai commencé à voler, je n'ai pu trouver aucune tenue d'aviateur qui m'irait à New York. Finalement, mon tailleur m'a aidé à dessiner un costume qui, j'espère, créera un standard pour un costume de vol approprié pour les femmes de ce pays.

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Sur cette photographie, on distingue une rangée de boutons sur le devant de la jambe qui pourrait permettre la transformation de la culotte en jupe. On peut également voir les bottines lacées très ajustées que porte l'aviatrice.

La couleur décrite pour cette tenue est violette. Il ne semble pas que cette tenue soit faite pour se fondre dans la masse, Harriet Quimby ne cherchait visiblement pas à passer pour un homme dans un monde d'hommes.

Cependant, la tenue de Quimby, même si elle est probablement la plus célèbre de cette époque recèle des zones d'ombres. Concernant sa couleur, on ne possède que les indication laissés par les chroniqueurs de l'époque. La possibilité de transformer la culotte en jupe de promenade, n'a laissé aucune trace si ce n'est la précision dans la presse britannique, aucune photographie ni schéma ne semble permettre de déduire si c'était réellement le cas et quel dispositif était mis en œuvre pour le faire. En outre, il faut prendre garde, car on peut voir plusieurs reproductions (de qualité assez médiocre selon mon avis) dans différents musées de l'aviation, à ma connaissance, la tenue originale d'Harriet Quimby ne nous est pas parvenue.

Médiatisation et impact

Les photographies des pionnières de l'aviation, si elles nous renseignent sur leur manière de s'habiller, font partie d'une stratégie de construction de leur image et de leur célébrité. Certaines de ces photographies sont des publicités et sont destinées à la presse. La tenue, fait entièrement partie de cette construction.

Ceci est particulièrement flagrant lorsque l'on s'intéresse aux photographies d'Harriet Quimby.

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Sa couverture médiatique était importante. Par exemple, entre le 1er janvier 1911 et le 31 décembre 1912 (respectivement année de l'obtention de son brevet d'aviatrice et année de sa mort), la recherche « Harriet Quimby » sur le New York times renvoie 34 occurrences. Journaliste elle-même, Harriet Quimby écrivait des articles sur ses expériences de pilote dans différents magazines, dont, par exemple Leslie's Weekly, un magazine illustré (où elle tenait uen rubrique sur la mode) et Good Housekeeping qui, comme son nom le suggère, est un magazine féminin.

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Extrait d'un article du Leslie's Weekly rédigé par Harriet Quimby qui y relate son expérience.

Les événements liés à l’aviation, y compris les exploits des pionnières, touchaient ainsi une grande partie de la population bien que le vol en lui même n'était pratiqué que par une toute petite minorité.

En prenant en main leur image médiatique, en fournissant elles-même du contenu sous forme d'articles ou de photographies, elles ont pu avoir un impact non négligeable sur la population féminine de l'époque.

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Photographie dédicacée destinée à la presse, d'Harriet Quimby et Mathilde Moisant.

Tout comme les inventrices qui ont déposés les brevets des jupes convertibles, les aviatrices ont su s'approprier des vêtements typiquement masculin, les adapter et les transformer. Mais cette appropriation combinée à une véritable stratégie de communication n'a pas empêché certaines d'entre elles d'utiliser leur image féminine y compris dans la conception de leur tenue de vol. Plus que de repousser les frontières du féminin dans l'habillement, elles en ont créé de nouvelles.

A ce titre, ces pionnières de l'aviation ont leur place au sein mouvement de libération du corps des femmes entre les travailleuses et les sportives de la fin du 19e siècle et la première guerre mondiale.

A suivre : la conception de la culotte d'aviatrice.